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Le Blog de jlduret

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Pensez juste ou pensez faux mais pensez par vous-même ! Depuis Socrate, le devoir du penseur n’est pas de répéter la doxa du moment mais de la questionner. Sans cette liberté d’exprimer opinions et pensées, point de démocratie.


Une évolution souhaitable de notre système de contrôle de la sûreté nucléaire ?

Publié par jlduret sur 5 Janvier 2024, 18:42pm

Catégories : #Energie nucléaire, #Organismes de sûreté nucléaire, #Centrales nucléaires

Une évolution souhaitable de notre système de contrôle de la sûreté nucléaire ?
Une évolution souhaitable de notre système de contrôle de la sûreté nucléaire ?

Par Michel Duthé (*)

 

Une évolution du système de contrôle des installations nucléaires est proposée

 

Nos politiques ont décidé de relancer le programme nucléaire, avec notamment la construction de six réacteurs de puissance dans un premier temps. Il souhaite accélérer la relance du programme en simplifiant les démarches administratives, à cause du temps perdu jusqu’ici et de l’incertitude de pouvoir prolonger longtemps la durée de vie de nos centrales actuelles.

Dans ce contexte il juge pertinent de fusionner les deux organismes ASN (Autorité de sûreté nucléaire civile) et IRSN (institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) en rattachant directement l’expertise à l’ASN. Il pense raccourcir ainsi les délais décisionnels.

Ce projet a été rejeté dans un premier temps par le parlement début 2023. Mais le gouvernement n’a pas renoncé, et il a demandé son avis à l’OPECST, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui a remis son avis en juillet 2023. S’appuyant sur les conclusions dudit rapport (Réf1), rédigé par des parlementaires a priori acquis à la cause élyséenne, le gouvernement revient devant le parlement prochainement.

 

 

Que penser de notre système actuel ?

 

Depuis 2006 notre système de contrôle des installations nucléaires repose sur l’ASN, Autorité de sûreté nucléaire civile, autorité administrative indépendante des exploitants qu’elle contrôle (EDF, COGEMA, ANDRA, CEA, etc), et l’IRSN, institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, lui-même indépendant de l’ASN et qui constitue l’expertise publique au profit de l’ASN. Avant 2006 l’expertise  était assurée par le CEA et le ministère de la santé, l’autorité de sûreté par la DGSNR rattachée au ministère de l’industrie. Ce système dual ASN/IRSN, que nombre de pays nous envient, a fait ses preuves. Il peut paraître à première vue lent mais il nous assure un contrôle satisfaisant et crédible de nos installations nucléaires. L’IRSN assure également l’expertise pour l’ASND, l’Autorité de sûreté nucléaire des installations relevant de la Défense (la dissuasion). Le financement de l’IRSN repose sur l’État et sur les taxes prélevées sur les exploitants nucléaires.

 

L’indépendance de l’IRSN des exploitants nucléaires et de l’ASN lui a permis aussi de travailler de façon plus autonome. Elle a étudié par exemple les conséquences de l’accident de Tchernobyl, en Ukraine, en Europe et en France, et a communiqué sur ce sujet, mettant fin ainsi à des propos inconsidérés circulant dans certains milieux médiatiques.

 

Elle a également communiqué de son propre chef sur certains incidents survenant dans les centrales , ce qui a pu en son temps indisposer EDF et l’ASN.

 

Que penser de ce projet de fusion ?

 

Tout d’abord le rapport parlementaire n’est pas « favorable » à cette fusion comme le prétend le gouvernement. Il serait plus juste de dire qu’il ne s’y oppose pas, moyennant des recommandations d’usage, dont la plupart s’appliquent déjà dans le système actuel.

 

Il n’est pas du tout certain que les délais soient raccourcis entre l’expert et l’autorité. Cela relève de la fausse bonne idée. Les délais reposent sur l’examen par l’expert de l’analyse de sûreté de l’exploitant présentée dans le rapport de sûreté. Si des compléments d’étude sont demandés à l’exploitant celui-ci mettra le même temps pour répondre. Par ailleurs les délais de communication entre l’ASN et l’IRSN ont été optimisés et sont eux-mêmes déjà très courts. Ils ne seraient très probablement pas plus courts entre le département interne d’expertise et le département décisionnel de la future ASNR.

 

Actuellement tous les experts en sûreté et radioprotection sont regroupés au sein d’un seul organisme, l’IRSN, ce qui assure la meilleure compétence pour l’expertise et la recherche indispensable associée qui bénéficie de toute la synergie disponible. A l’inverse, en cas de fusion, des experts de l’IRSN iront à l’ASN, d’autres à l’ASNDéfense, mais d’autres retourneront au CEA, et ceux qui sont attachés à leur indépendance vis-à-vis de la puissance publique iront vers des laboratoires privés. Au total la compétence de l’expertise publique a tout à y perdre.

 

Cette situation irait à l’encontre de l’objectif recherché lors de la création passée de l’IRSN.

 

Les agents de l’IRSN sont vent debout devant cette réforme. Ils ont lancé une pétition : Huit principes pour une gouvernance de la sécurité nucléaire (Réf2).

Par ailleurs les experts non rattachés aux autorités de sûreté auront encore plus de liberté pour communiquer et mettre des bâtons dans les roues des pouvoirs publics. Certains esprits chagrins pourraient même se demander si cette opération n’est pas faite pour continuer à torpiller comme les décennies précédentes notre programme nucléaire...

 

Dans un contexte de relance où le système d’autorisation doit être rapide, il n’est pas pertinent d’engager une réforme administrative qui prendra un à deux ans pour mettre le nouvel organisme en ordre de marche. Autant de temps perdu pour les autorisations de création des futurs réacteurs, y compris l’introduction des SMR (small modular reactors) dont la réglementation générale reste à préciser (!), sans compter la perte de confiance du public dans une autorité intégrée et des armes redonnées aux opposants au nucléaire. Là aussi on pourrait se demander quel est l’objectif réel recherché...

 

Des inconvénients certains et des avantages à démontrer

 

Au total ce projet de fusion présente des inconvénients certains alors que son intérêt n’est pas démontré pour les agents qui connaissent bien le fonctionnement du système.  Les technocrates qui nous gouvernent semblent se retrancher derrière des réformes administratives alors que nos instruments sont éprouvés et qu’ils ne réclament qu’une réelle volonté politique.

 

MD

 

Réf1

Rapport des offices parlementaires n°1519 - 16e législature - Assemblée nationale (assemblee-nationale.fr)

 

Réf 2

Pétition · Huit principes pour une gouvernance de la sécurité nucléaire · Change.org

 

(*) Michel Duthé est ingénieur INPT et CEA et ex-membre des Autorités de sûreté nucléaire civile et défense, et de l’expertise nucléaire et de radioprotection.

 

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F
Le plan de relance du nucléaire du gouvernement pèche d’une grave lacune : il manque un surgénérateur. Superphénix a été mis à l’arrêt alors qu’après les travaux sur le barillet, le réacteur a parfaitement fonctionné. Le projet Astrid a été stoppé par les socialistes. Il faut de toute urgence relancer Astrid, pour l’avenir de la filière.
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