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Le Blog de jlduret

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Pensez juste ou pensez faux mais pensez par vous-même ! Depuis Socrate, le devoir du penseur n’est pas de répéter la doxa du moment mais de la questionner. Sans cette liberté d’exprimer opinions et pensées, point de démocratie.


Va-t-on vers la fin des combats en Ukraine ?

Publié par jlduret sur 4 Mai 2024, 16:52pm

Catégories : #Ukraine

Va-t-on vers la fin des combats en Ukraine ?

LU Institut des Libertés

61 milliards $

En délivrant une aide financière conséquente, les États-Unis reprennent la main sur la guerre en Ukraine. Au moment où le front est en train de basculer en faveur des Russes, cette aide peut permettre à Kiev de ne pas s’effondrer et d’engager des pourparlers afin d’aboutir à un cessez-le-feu.

Bloquée depuis de nombreux mois, l’aide américaine à l’Ukraine vient d’être autorisée avec à la clef une enveloppe de 61 milliards d’euros. De quoi rassurer Kiev et une armée ukrainienne au bord de la rupture. Depuis plusieurs semaines, les Ukrainiens reculent, la Russie grignote le front et a même réussi la prise de la ville d’Avdiivka en février dernier. Dans les états-majors, beaucoup redoutent une offensive de printemps qui ferait sauter la défense ukrainienne et qui ouvrirait les plaines aux chars russes. En ligne de mire, Odessa, mais aussi la Transnistrie, où demeure un régiment russe dans cette république sécessionniste de la Moldavie.

Rééquilibrage et pourparlers

L’argent est annoncé, mais il n’est pas encore arrivé. Le Sénat doit lui aussi approuver l’aide, puis il faudra acheter et livrer le matériel et ensuite l’intégrer au dispositif de défense ukrainien. Rien n’est fait donc et il y a encore loin pour un rééquilibrage, de l’annonce à l’usage réel.

L’armée ukrainienne est confrontée à une problématique insoluble : elle manque d’hommes et a bien du mal à en trouver, en dépit des appels politiques et des lois pour la mobilisation. La moyenne d’âge des combattants approche les 40 ans, beaucoup de jeunes sont partis à l’étranger, ou bien sont morts ou sont blessés.

Les permissions sont sans cesse repoussées, faute de réserve pour les assurer, ce qui lamine le moral des soldats en poste et n’encourage pas à l’engagement. Difficile aussi de donner sa vie pour récupérer des territoires que l’Ukraine considère certes comme siens, mais qui sont russophones et peuplés de personnes qui regardent davantage vers Moscou que vers Kiev. Il est illusoire de penser que le Donbass va revenir dans le giron de l’Ukraine ou que la Crimée verra de nouveau flotter le drapeau jaune et bleu.

L’armée ukrainienne se bat pour empêcher un effondrement de son pays et une déferlante russe, ce qui est déjà beaucoup, mais elle a conscience, et depuis longtemps, qu’elle ne peut pas se battre pour récupérer les territoires contrôlés par l’armée russe.

Cette aide, qui pourra assurer un rééquilibrage, devra donc aussi permettre d’ouvrir des négociations pour un cessez-le-feu, qui ne sera pas un traité de paix, mais qui permettra de figer le front et de le refroidir, à défaut de le régler. Le président Zelensky vient lui-même d’annoncer l’ouverture de discussions avec la Russie.

Il n’a guère le choix : son armée n’est pas capable de renverser l’armée russe, l’opinion ukrainienne ne veut plus mourir pour cette guerre et les Américains veulent enclencher des négociations afin de passer à autre chose. Le processus est encore long et la paix n’est pas pour demain. La fin des combats, si elle arrive, ne signifiera pas la fin de la guerre ni même la signature d’un traité de paix, mais au moins la fixation du front et la descente des tensions.

Dangers économiques

C’est une chose d’aider l’Ukraine et de veiller à la stabilité du continent. C’en est une autre de saborder l’économie et donc la puissance des Français et des Européens à des enjeux qui ne sont pas les nôtres.

La fin des combats, quand elle arrivera, ne réglera pas le problème ukrainien, purulent depuis plus de 15 ans. S’ouvrira alors un autre chapitre, tout aussi dangereux pour la France et les pays d’Europe. D’abord, la question des armes, qui ont commencé à arriver, mais qui vont déferler sur l’Europe de l’Ouest, accroissant les risques criminels et sécuritaires.

Ensuite, le problème des mafias, l’Ukraine étant un pays corrompu et gangrené par les réseaux criminels. Ceux-ci se délectent des pays faillis et pauvres, ce que sera l’Ukraine une fois les armes posées. Nous risquons de vivre le même scénario que la Yougoslavie dans les années 2000 : une zone grise et poreuse par où transitent les réseaux et les trafics.

L’Albanie et le Kosovo sont aujourd’hui des États mafieux, notamment pour la drogue, la pornographie, la pédophilie et les armes. Demain, il en sera de même de certaines régions ukrainiennes aux mains des oligarques revigorés.

Penser le monde d’après

Les fonds d’investissement anglo-saxons se ruent sur l’Ukraine pour acheter ses terres, récupérer ses richesses et en faire la base arrière de leur production. Avant-guerre, la Chine, via des entreprises écrans, était le premier propriétaire terrien de l’ Ukraine. Sur ces terres arables et fertiles se joue une guerre agricole et économique de premier ordre qui va heurter l’agriculture française.

Le troisième risque est énergétique.

En dépit de la guerre, les hydrocarbures russes continuent de transiter par l’Ukraine et d’être vendus aux pays d’Europe centrale. Que fera la Russie une fois le conflit éteint ? Son gazoduc Nord Stream a été sabordé par des services ukrainiens, alors qu’il lui a coûté très cher et fut long à construire. Moscou a trouvé de nouveaux débouchés et de nouvelles routes et a appris à se passer de l’Europe. Mais l’Europe, elle, ne peut pas se passer de la Russie.

La crise énergétique n’est pas réglée. Le problème de l’énergie n’est pas réglé non plus. Si la guerre en Ukraine a ouvert les yeux sur beaucoup de réalités, nous n’avons pas beaucoup progressé en terme stratégique et intellectuel. Il reste encore à penser à ce nouveau monde et à s’y préparer.

Article par Jean-Baptiste Noé est docteur en histoire économique. Il est directeur d'Orbis. Ecole de géopolitique. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : Géopolitique du Vatican. La puissance de l'influence (Puf, 2015), Le défi migratoire. L'Europe ébranlée (2016) et, récemment, un ouvrage consacré à la Monarchie de Juillet : La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France (2018).

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