Il fut une époque pas si lointaine où les fêtes de fin d’année parvenaient à elles seules à relancer les ventes de PC. Mais l’ordinateur personnel se fait de plus en plus rare dans la hotte du
père Noël. Résultat, les ventes de PC ont stagné au quatrième trimestre. Très exactement, elles ont baissé de 0,17 %. Le PC a la tête dans le seau depuis le deuxième trimestre, et cette tendance
semble lourde. Une année qui signe définitivement le déclin de cet appareil qui a pris un coup de vieux depuis la démocratisation des tablettes et des smartphones.
Évidemment, les raisons sont multiples pour expliquer cette méforme qui touche l’ordinateur personnel notamment dans les pays où son taux de pénétration est très élevé. Le ralentissement
économique et la pénurie de disques durs ont sans doute pénalisé les ventes de PC, mais cela n’explique pas le fait que 2011 est dans bien des cas la pire année pour cette industrie depuis
2001.
Pour les constructeurs qui se sont lancés dans la bataille des prix il y a plusieurs années et qui ont par conséquent rogné leur marge, la contraction de la demande rend quasiment impossible une
équation qui n’était déjà pas simple.
Les fabricants sont obligés de revoir brutalement leur stratégie. C’est le cas d’Acer, autrefois l’une des vedettes de cette industrie (lire : Informatique : la fin des
constructeurs US ?), qui a remercié son PDG, Gianfranco Lanci, en mars dernier en raison de désaccord stratégique (il a récemment rebondi chez Lenovo). À l’époque, la firme taiwanaise
expliquait que le succès de l’iPad n’était qu’un feu de paille (lire : Le fondateur d'Acer : « Les tablettes ne sont qu'une mode »). Sur les
trois derniers mois de l’année, les ventes d’Acer ont encore reculé de 8 %.
De son côté, le numéro un mondial a avoué à voix haute penser à se débarrasser de sa division PC. Après plusieurs semaines de réflexion, et surtout faute de repreneur à un prix suffisamment
intéressant, HP a décidé de faire machine arrière.
Derrière cette guerre du PC, se cache également une bataille sémantique. Pour le regretté Steve Jobs, le PC est un « camion ». Les voitures d’aujourd’hui sont les tablettes et les smartphones. Ce
qu’Apple appelle « l’ère post-pc ». Faut-il faire vraiment la distinction entre ces deux marchés ? C’est la question que se posent bon nombre d’observateurs. Et la sortie cette année de
Windows 8, qui se présente comme un système d'exploitation unique pour tablettes et ordinateurs personnels devrait relancer le débat.
Car la réalité du marché est bien différente, si l’on analyse le marché dans sa globalité. Cette industrie connait depuis l’émergence des terminaux mobiles un véritable séisme. Après 10 ans de
domination sans partage, la plate-forme Wintel représente désormais moins de 50 % des ventes d’ordinateurs personnels au sens très large du terme, selon une étude d’Asymco. Une situation d’autant plus paradoxale que Microsoft et Intel ont
très tôt avancé leurs pions dans les terminaux mobiles. Mais jusqu’à présent, ils n’ont jamais été en mesure d’exploiter le formidable engouement du grand public pour ces petits appareils. Intel
vient seulement de présenter un processeur plus adapté et Microsoft a réinitialisé son OS mobile.
Et ce virage raté explique sans doute l’infortune actuelle des fabricants de PC, trop habitués à se reposer sur le couple Intel (ou AMD)/Microsoft. On l’a vu encore l’année dernière avec HP, qui
a très rapidement baissé les bras avec webOS. Au lieu de se doter d’une stratégie sur le long terme, HP a très vite stoppé les frais. Après des mois d’atermoiements, le Californien a fini par
mettre son système d’exploitation en open source, et de miser sur Windows 8 pour se relancer sur le marché des tablettes. HP a promis de produire à l’avenir des tablettes sur webOS, mais reste
très flou sur son planning.
Les arguments évoqués pour expliquer le ralentissement des ventes de PC trouvent vite leurs limites quand on analyse le marché des smartphones ou celui des tablettes. Ces terminaux coûtent pour
la plupart d’entre eux aussi cher que des PC bas de gamme. Mais pour ces appareils, il n’est jamais question de crise… En France, GFK rapporte qu’il s’est vendu en 2011 davantage de tablettes que
de portables !
Le vrai drame pour les constructeurs de PC est sans doute d’avoir été incapables de prendre le virage de l’internet mobile. Si l’on regarde le classement des ventes de
smartphones, aucun acteur du top 5 de ce marché, qui commence à se cristalliser, n’est un fabricant d’ordinateurs à la base. Il y a bien entendu une exception à cela : Apple. Tous les autres
(Samsung, Nokia, HTC et RIM) proviennent de la téléphonie mobile.
Et le même phénomène est en train de se reproduire avec les tablettes. Hormis Apple, les sociétés apparemment les mieux placées aujourd’hui pour bénéficier de l’explosion de ce marché sont
Samsung, Amazon, Barnes & Noble et Asus. Mais les positions peuvent encore grandement évoluer, le marché est loin d’être mature. Et c’est sans doute actuellement le plus grand motif d’espoir
pour les acteurs de l’écosystème Wintel.
Si Apple a ouvert la voie, hormis peut-être Amazon, personne n’a réussi pour l’heure à reproduire la formule de l’iPad. Google peine pour l’heure à adapter son système aux ardoises. Éric Schmidt
a promis une tablette Android d'un très bon niveau pour les mois à venir. Avec Windows 8, Microsoft et ses partenaires ont dès lors une carte à jouer à condition de ne pas perdre de
temps.
"Deux révolutions plus tard", aussi surprenant et logique que cela puisse paraitre, Apple est devenu l’acteur numéro un de ce marché globalisé. Et le plus rageant sans doute
pour ses concurrents, c’est que son succès dans les smartphones et les tablettes lui a permis de doubler ses ventes de Mac depuis la sortie du premier iPhone. L’effet "halo" né avec les iPod est
incontestable tout en étant surprenant. Finalement, Apple n’a jamais fait aussi peu d’efforts que ces dernières années pour promouvoir ses ordinateurs. De plus, la plupart de ses produits à son
catalogue d’ordinateurs commencent à dater. Et pourtant, le succès est là. Même les portes de l’entreprise qui lui sont longtemps restées fermées s’ouvrent de plus en plus.
Si Apple vogue de succès en succès, sa réussite n’a rien de définitif. Le marché de la téléphonie mobile est d’une extrême volatilité. Les grands vainqueurs d’hier (RIM, Motorola) sont
aujourd’hui en bien mauvaise posture.
Apple n’est jamais aussi forte que lorsque le rythme d’innovation est élevé. En l’espace de quelques générations, les smartphones ont évolué de manière considérable. Dans ce genre de
configuration, le modèle d’Apple est particulièrement efficient. La maitrise du logiciel et du matériel lui confère une grande liberté et réactivité. Jusqu’à présent, c’est ce qui a manqué à ses
concurrents issus du monde PC.