Par MD.
Introduction.
Comme chaque année vers la même époque, le Global Carbon Project (GCP) vient de publier son rapport annuel Global Carbon Budget (GCB) sur l’état des lieux des émissions mondiales et nationales de CO2. Ce copieux document est accompagné de trois feuilles de calcul comportant les données utilisées dans le rapport.
On va s’intéresser ici à la feuille de calcul qui retrace les évolutions des émissions mondiales de CO2. Rappelons une fois encore que tous ces chiffres résultent d’estimations modélisées et non de mesures directes, même si le GCP s’attache à les rapprocher tant bien que mal des mesures in situ comme on le verra. Cette question a déjà été abordée de nombreuses fois sur ce forum, sous différents aspects, mais il n’est pas toujours mauvais de se répéter.
Notas : les séries GCB sont exprimées en Carbone (C), elles ont été ici converties en dioxyde de carbone CO2 (unité plus familière) par application du rapport des masses moléculaires soit 3,664. On s’est limité dans les graphiques aux valeurs annuelles de la période 1970-2021 (à noter que le GCB anticipe pour 2022 une augmentation des émissions fossiles de 1% par rapport à 2021).
Emissions anthropiques de CO2 dues aux énergies fossiles.
Les quantités sont exprimées en milliards de tonnes (Gt) de CO2.
Après le hiatus de 2020, la tendance des dix années antérieures a repris son cours. En 2021, on a enregistré 37 Gt de CO2 dues à la combustion des énergies fossiles (et à la production de ciment).
Emissions anthropiques de CO2 dues à l’utilisation des sols.
Contrairement aux émissions fossiles qui sont calculées à partir de consommations annuelles de pétrole, gaz naturel et charbon relativement bien connues, les émissions dues aux changements dans l’utilisation des sols (land use change ou LUC) donnent lieu à des fourchettes d’appréciations considérables, et fluctuantes même pour les valeurs historiques.
Le GCB s’appuie sur les calculs effectués par une vingtaine d’équipes scientifiques, dont il fait la synthèse. Le graphique ci-dessous retrace à la fois les séries élémentaires et les valeurs synthétiques retenues (on n’a pas jugé utile d’alourdir le graphique avec les noms et sigles des équipes de chercheurs).
On voit que selon le GCB ces émissions ne varieraient que modérément. Elles seraient en 2021 d’environ 4 GtCO2.
Emissions anthropiques totales de CO2.
En additionnant les émissions fossiles et celles dues à l’utilisation des sols, on aboutit au graphique ci-dessous.
On peut retenir une valeur actuelle légèrement supérieure à 40 GtCO2.
Les « puits » de carbone.
Pour parvenir à réconcilier calculs et mesures, la théorie officielle admet qu’une partie de la masse du CO2 anthropique émis est absorbée par la lithosphère et l’hydrosphère qui fonctionneraient alors comme des « puits » ou absorptions de carbone. A l’instar des émissions LUC, le GCB s’appuie sur des modélisations de diverses équipes scientifiques et en tire une synthèse.
Les graphiques ci-après retracent les masses de CO2 censées être absorbées respectivement par les océans et par les terres émergées.
On peut être surpris par les variations considérables des puits terrestres d’une année à l’autre. Toujours est-il qu’elles permettent de parfaire l’ajustement aux variations réellement observées dans la concentration en CO2 dans l’atmosphère.
Emissions anthropiques subsistant dans l’atmosphère.
Un fois soustraits les « puits », il ne resterait dans l’atmosphère qu’une partie du CO2 émis ou fraction atmosphérique (« airborne fraction ») représentée dans le graphique ci-dessous par la courbe en traits pleins située sous celle des émissions.
La fraction atmosphérique est irrégulière du fait des irrégularités annuelles des puits. Mais observée sur longue période, elle représente en moyenne 45% des émissions anthropiques totales, les océans et les sols en absorbant 55%. Pendant ces dernières années, les émissions anthropiques diminuées des puits ajouteraient chaque année à l’atmosphère un peu moins de 20 GtCO2.
Mesures de la masse atmosphérique de CO2.
Les variations effectives de la masse atmosphérique de CO2 sont connues grâce aux mesures in situ de la NOAA à l’observatoire de Mauna Loa. Elles sont exprimées en parties par million en volume ou ppmv, mais on peut les convertir en masses selon l’équivalence classique : 1 ppmv = 7,8 GtCO2. Le graphique ci-dessous retrace l’évolution de la concentration de l’atmosphère en CO2 avec les deux échelles d’ordonnées. Il s’agit du cumul des augmentations annuelles, donc du stock de CO2 présent dans l’atmosphère.
On peut en déduire les augmentations annuelles de concentration, qui sont cette fois des flux, comparables aux émissions et aux absorptions précédentes.
Les analogies avec la fraction atmosphérique modélisée sont visibles, même si elles ne sont pas rigoureuses. Pour les années récentes, on retrouve bien environ 20 GtCO2 annuels.
Quelques remarques finales.
Le processus décrit par GCB permet donc une réconciliation entre modèles et mesures, au prix de quelques ajustements. Il faut au moins reconnaître l’ingéniosité et la cohérence de la démarche.
En 2021, la masse du CO2 présent dans l’atmosphère était proche de 3 300 GtCO2 (420 ppmv).
On voit immédiatement la disproportion entre ce chiffre – le stock – et l’augmentation annuelle – le flux – de l’ordre de 20 GtCO2, soit 0,6% du stock [1]. Il est bon de garder à l’esprit ces ordres de grandeur lorsqu’on disserte sur la nécessité de réduire certaines émissions et sur les restrictions et les dépenses considérables qui en découlent.
Comme il était prévisible, les émissions de CO2 ont continué à augmenter de COP en COP. Elles se poursuivront sans perspective de renversement de tendance en dépit des effets de tribune et des déclarations outrecuidantes qui ont cours en ce moment même.
Ce n’est une désillusion que pour ceux qui s’aveuglent volontairement, aveuglent les autres et tentent de les entraîner dans des aventures chimériques et inopérantes.
[1] C’est notamment ce qui explique que la diminution momentanée des émissions en 2020 (environ -2 GtCO2, soit -0,06% du stock) soit restée totalement inapparente dans les relevés de la NOAA.