English version : According to the physicist W. Happer there will be little effect for a doubling of the rate of CO2
par Prof. Dr. Jean N., Faculté des Sciences, Université Européenne
Lorsque l’on parle de l’effet de serre et du taux de CO2 atmosphérique sachez qu’il existe trois catégories de scientifiques : (i) ceux qui acceptent cet effet de serre et qui pensent que le taux croissant de CO2 aura des effets majeurs sur la température de la basse troposphère; ce sont généralement les partisans des thèses du GIEC; (ii) ceux qui acceptent l’idée d’un effet de serre mais qui pensent que le réchauffement sera modeste voire inexistant; ce sont des scientifiques qualifiés de climato-réalistes ou climato-sceptiques; nous pouvons par exemple ranger dans cette catégorie des physiciens et climatologues comme William Happer, Herman Harde, Roy W. Spencer, John Christy ou Richard Lindzen; (iii) et enfin ceux qui n’acceptent pas l’idée d’un effet de serre, pour diverses raisons théoriques, et pour qui forcément il n’y aura aucun effet du taux croissant de CO2. Ces derniers scientifiques sont également qualifiés de climato-réalistes ou climato-sceptiques; Nous pouvons par exemple citer Gerhard Gerlich, Ralf D. Tscheuschner, Jack Barrett (du moins dans son article de 1995) et Georges Geuskens. Notons que les scientifiques des trois catégories ci-dessus ne nient généralement pas le léger réchauffement global, et notons finalement qu’il existe des scientifiques indécis.
Le but du présent article est de vous présenter la vision de William Happer, un physicien faisant clairement partie de la catégorie n°2.
1. Les idées de William Happer résumées en une seule figure
Les idées de W. Happer se résument clairement avec la Figure ci-dessous (Figure 1), issue de ses travaux de 2020 avec son collègue William Wijngaarden (ici). Il s’agit d’une figure représentant la quantité d’infrarouges émis par la Terre en fonction de leur fréquence (depuis le sol et/ou de l’atmosphère), à l’altitude de la mésopause (86 km). Tout comme si un spectromètre était positionné à cette altitude et pointé vers le sol. La Figure 1 nous montre en fait 4 courbes : 3 en présence de diverses compositions atmosphériques (courbes noire, rouge et verte) et une sans aucune atmosphère (courbe bleue). Insistons sur le fait que toutes ces courbes sont issues de calculs et n’ont nullement été mesurées à 86 km d’altitude.
Pour construire cette figure, Happer et Wijngaarden ont utilisé la base de données de transmission et d’absorption moléculaire ligne par ligne HITRANmaintenue à l’Université de Harvard (Wijngaarden & Happer, 2020). HITRAN est un acronyme venant des termes anglais « high-resolution transmission« . Cette base de données compile des paramètres spectroscopiques que les programmeurs informatiques peuvent utiliser pour modéliser la transmission et l’émission de lumière dans l’atmosphère. Point important à noter, Happer et Wijngaarden ne considèrent pas l’effet des nuages. Nous y reviendrons plus loin.
La courbe bleue de cette Figure 1 représente les infra-rouges émis par la surface de la Terre (le sol) vers l’espace si la Terre ne possédait pas d’atmosphère, et ce pour la température de 288.7 K (15.5°C). Il s’agit bien entendu d’une courbe pouvant être calculée avec l’équation de Planck. L’énergie totale émise vers l’espace correspond simplement à l’aire sous cette courbe bleue.
La courbe noire de la Figure 1 représente les infra-rouges émis par la Terre vers l’espace avec l’atmosphère actuelle, comportant 400 ppm de CO2, toujours pour la température de 288.7 K (15.5°C). Il s’agit également d’une courbe calculée, ici avec la base de données HITRAN. Nous voyons que moins d’énergie est émis vers l’espace car certains gaz atmosphériques absorbent des infra-rouges (et donc l’aire sous la courbe noire est plus petite que dans le cas précédent). Le nom de ces gaz est indiqué sur la Figure 1. Remarquons que cette courbe noire est relativement proche des courbes expérimentales observées par des spectromètres placés en orbite autour de la Terre, et ce à diverses altitudes. C’est ce que l’on appelle en anglais la « Outgoing Longwave Radiation« , ou OLR. Un bel exemple de publication à ce sujet est celle de Harries et al. (2001). Tout ceci semble valider la méthode basée sur la base de données HITRAN. Mais nous vous laissons juger par vous-même en consultant l’article cité.
La courbe rouge de la Figure 1 représente les infra-rouges émis par la surface de la Terre vers l’espace avec une atmosphère identique à l’actuelle mais comportant 800 ppm de CO2, toujours pour la température de 288.7 K (15.5°C). Il s’agit également d’une courbe calculée avec la base de données HITRAN. Nous voyons ici le point le plus important des idées de Happer : la différence entre la courbe noire et la courbe rouge est minime alors que le taux de CO2 a été doublé! Selon les calculs de Happer, la différence entre les deux courbes ne vaut que 3 W/m2. Si l’on évoque l’effet de serre cela correspondrait à une augmentation de température de l’air en surface de seulement 1.4 à 2.2°C (sans l’intervention de nuages).
Enfin, la courbe verte représente une atmosphère hypothétique, similaire à l’atmosphère actuelle, mais qui ne comporterait aucune molécule de CO2. Nous voyons ici que l’aire sous la courbe est plus grande que dans les deux cas précédents. Nous pouvons donc voir que le CO2 atmosphérique absorbe bien les infra-rouges émis par la Terre, mais qu’actuellement, avec 400 ppm nous sommes quasi arrivés à une saturation. En effet, si nous rajoutons du CO2 dans l’atmosphère, celle-ci n’absorbera quasi plus d’infra-rouges émis par la Terre. Et si un jour nous arrivons à 800 ppm la différence avec la situation actuelle ne sera que de 3 W/m2.
Nous n’allons pas décrire ici tous les résultats obtenus par Happer et Wijngaarden et nous vous renvoyons simplement à leur publication (ici). Pour bien comprendre leurs résultats vous pourrez également vous aider de l’article publié ici.
2. Qui est William Happer ?
Présentons maintenant brièvement William Happer. Celui-ci est né en 1939 et a effectué une grande partie de sa carrière dans la célèbre Université de Princeton aux USA. Sous la direction du professeur Donald Hamilton de Princeton, il a obtenu son doctorat en physique en 1964. Sa thèse portait sur les mesures des spins et des moments magnétiques des noyaux radioactifs. Il a ensuite débuté sa carrière universitaire en 1964 au Département de physique de l’Université de Columbia où il s’est intéressé aux applications des atomes optiquement polarisés. Les premiers travaux de W. Happer se sont concentrés sur la polarisation de spin des métaux alcalins (sodium, potassium, rubidium, césium). Il a été l’un des premiers à étudier les effets de la lumière avec une longueur d’onde légèrement différente de la résonance atomique, et il a étudié plusieurs effets, dont la rotation de la polarisation de la lumière et les transitions atomiques Raman. Ceux-ci sont devenus les piliers de la physique atomique moderne. Dans ce qui est devenu la marque de fabrique de toutes ses recherches, Happer a combiné des mesures expérimentales avec le développement de modèles théoriques rigoureux et d’explications intuitives simples. Il a également étudié les propriétés uniques des collisions de relaxation de spin entre les atomes de métal alcalin, ce qui a conduit, 30 ans plus tard, au développement d’horloges et de magnétomètres de précision. En plus de son travail scientifique à Columbia et Princeton, il a été codirecteur et directeur du Columbia Radiation Laboratory.
William Happer est auteur de plus de 200 publications scientifiques et a reçu de nombreux prix pour ses recherches. Pour plus d’informations il suffit de consulter sa page à l’Université de Princeton (ici). Vous pouvez également l’écouter parler dans plusieurs petites vidéos comme ici. William Happer devrait donc savoir de quoi il parle lorsqu’il évoque l’absorption d’infra-rouges par des molécules comme le CO2 car la spectroscopie est son domaine de recherche.
3. Que conclure ?
– La conclusion majeure est bien évidemment la suivante : si William Happer à raison, l’effet d’un doublement du taux de CO2 sur la température du globe (400 à 800 ppm) sera minime car nous sommes quasi déjà arrivés à une « saturation ».
– Mais William Happer n’a pas considéré les nuages. Que se passerait-il en présence de nuages? Si l’on considère que l’effet net actuel des nuages est de refroidir (voir ici) et qu’il semble probable que la vapeur d’eau totale dans l’atmosphère diminue ou reste stable (voir ici), les résultats de Happer suggèrent que nous n’avons vraiment pas à nous soucier de l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère.
– Notons que William Happer n’a pas réalisé de mesures de terrain avec des spectromètres placés sur des satellites. Ses conclusions sont donc basées sur des calculs théoriques.
– Pour finir, remarquons que l’article de Wijngaarden et Happer n’a pas encore été officiellement publié puisqu’il s’agit d’une pré-publication déposée sur la plateforme arXiv. Il s’agit donc d’un travail en cours de soumission. Ceci n’est pas une preuve de mauvaise qualité, car les physiciens et mathématiciens procèdent très souvent de la sorte. Un exemple célèbre de résultat original posté sur arXiv est la démonstration de la conjecture de Thurston, impliquant la conjecture de Poincaré (l’un des sept problèmes du prix du millénaire) comme cas particulier, postée par Grigori Perelman en novembre 2002, travail dont la validité a été officiellement reconnue en 2006 et qui a conduit à l’attribution à Perelman de la médaille Fields (qu’il a cependant refusée).
En conclusion finale, prenons donc le temps de lire et de comprendre les objections et arguments des scientifiques issus des trois groupes précités. Et une fois que votre décision sera prise, il ne faut pas croire que vous ne changerez jamais d’avis!
Références
W. A. van Wijngaarden, W. Happer (2020) Dependence of Earth’s Thermal Radiation on Five Most Abundant Greenhouse Gases. arXiv:2006.03098 [physics.ao-ph]