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Le Blog de jlduret

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Pensez juste ou pensez faux mais pensez par vous-même ! Depuis Socrate, le devoir du penseur n’est pas de répéter la doxa du moment mais de la questionner. Sans cette liberté d’exprimer opinions et pensées, point de démocratie.


Les français, comme les occidentaux veulent toujours plus de protection

Publié par jlduret sur 2 Avril 2021, 10:02am

Catégories : #Sécurité

Extension du domaine du safe space : un nouveau clivage est né
Malgré le confinement, des jeunes participent à une fête improvisée à Bruxelles, la police sort les canons à eau, 1er avril 2021 © Marin Driguez/SIPA Numéro de reportage : 01012617_000063

La société est maintenant divisée entre ceux qui veulent vivre leur vie, et ceux qui veulent se protéger de la leur

Nous sommes entrés dans un nouveau paradigme. Oubliez les vieux clivages, la gauche et la droite, les progressistes contre les réactionnaires. En Occident, l’essentiel des programmes des partis politiques pourrait maintenant consister à promettre toujours plus de sécurité à nos pauvres populations désenchantées. Et pas seulement de la sécurité d’ordre sanitaire: le safe space qu’il faudrait bâtir est transversal. Il faudrait construire un monde libre de tous les dangers, risques et périls: qu’ils soient infectieux, migratoires, psychologiques ou écologiques.

L’horizon indépassable du cocooning 

L’Occident est malade et la pandémie l’aura nettement révélé. Nous nous terrons dans nos appartements pour une hibernation sans fin. Nous n’acceptons plus la moindre petite dose de fatalité: nous aspirons à vivre des existences capitonnées, complètement à l’abri de la moindre adversité. Autant le libéralisme économique a créé un monde où tous les citoyens sont devenus des concurrents, autant l’idéal de la zone de confort semble aujourd’hui prédominer. C’est le triomphe de ce que les anglophones appellent le cocooning. Prendre soin de nous jusqu’à ce que mort s’ensuive, ou pour que jamais elle n’advienne: tel semble être devenu l’horizon indépassable de nos sociétés sans Dieu

Limiter l’accès des piscines résidentielles aux enfants, interdire les chiens en laisse et dans les parcs, limiter encore les contacts sociaux, créer des espaces réservés aux femmes, prendre en charge les environnements de travail « toxiques », réduire les limites de vitesse, interdire l’alcool et les boissons sucrées dans certains lieux publics. Voilà le genre de mesures que nos dirigeants toujours plus soucieux de notre bien pourraient vouloir instaurer. Tout est devenu protection face à une menace imaginaire ou réelle. Tout est devenu prétexte à éviter et fuir la réalité, pour ne pas sécréter encore plus d’anxiété.

Vers le sécuritairement correct

L’un des premiers mécanismes du politiquement correct consiste à associer les gens jugés indésirables à un « danger » qu’il faut écarter pour des raisons de sécurité publique. Ce n’est pas anodin dans un monde façonné par ses normes. Vous critiquez le multiculturalisme ? Vous encouragez les « micro-agressions » et les actes haineux envers les communautés culturelles. Vous critiquez certains excès du néo-féminisme ? Vous encouragez la « culture du viol » et même la violence faite aux femmes. Vous critiquez l’écologisme radical ? Vous encouragez la destruction de la planète et l’exil de millions de réfugiés climatiques. Vous critiquez des mesures sanitaires ? Vous fomentez un génocide contre les asthmatiques et les vieillards. C’est la logique du sang sur les mains, autrement dit de la culpabilité par association.

La société est maintenant divisée entre ceux qui veulent vivre leur vie, et ceux qui veulent se protéger de la leur. Entre ceux qui ont peur et ceux qui refusent de se laisser guider par la peur. Voilà le nouveau clivage. Dans ce contexte, peu étonnant que le confinement continue à remporter un si grand succès auprès de nos contemporains: il leur offre une belle et grasse illusion de sécurité. Le confinement a conforté tout ce qu’il y avait de moins digne et de moins brave en nous. Tout d’un coup, les plus anxieux et misanthropes sont devenus les héros de la crise, et les tempéraments fonceurs et aventureux, des irresponsables et des égocentriques. L’asocialité est devenue la plus grande qualité.

Le retour en force de l’État-nounou 

Ce gardiennage de tous les instants est d’autant plus facile à mettre en place que les États sont revenus en force grâce à la crise sanitaire. Contre toute attente, l’État providentiel a retrouvé ses lettres de noblesse et il entend bien en profiter. Nos sociétés sont devenues d’immenses jardins d’enfants dont il faut assurer la constante surveillance.

Si les sociétés modernes ont longtemps visé un parfait bonheur qui n’existait pas, elles visent maintenant la sécurité sous tous ses aspects, sentiment qui bien sûr n’est pas moins utopique. Le safe space global se déclinera en d’infinies mesures qui, bien que vertueuses, auront pour effet de nous rendre encore plus anxieux.

Nous n’avons pas fini de confondre les causes et les effets de notre malheur.

Pensée du même bois: 

 

La peur structure nos sociétés. Elle crée un désordre et un chaos qui fragilise le tissu social et le menace, mais elle est aussi le moyen de créer un nouvel ordre. La stratégie de la menace coalise les forces et oriente les énergies pour rendre capable d’affronter un ennemi. Nombreux sont les penseurs à avoir pensé la peur : Machiavel et Hobbes notamment qui ont compris que celle-ci était au fondement des cités et des sociétés. Avoir peur permet de désigner un ennemi à combattre et donc de se structurer pour le vaincre. 

Mais la peur est aussi une arme de guerre qui vise à subvertir et à déstabiliser. Les puissances ennemies savent créer de fausses peurs et de vraies rumeurs pour instiller le doute et désarçonner l’adversaire. Commencer par être vert de peur pour finir mort de peur permet de gagner sans combattre. 

Entre réalités, représentations et usages politiques, la peur est un véritable objet géopolitique. (Conflits n°32)

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