Froid en vue ?

Le climat de l’Europe se trouve étroitement influencé par la présence de l’Océan Atlantique. Cette influence est due à la présence de courants marins puissants qui redistribuent vers la partie septentrionale de l’Océan Atlantique nord la chaleur accumulée dans la zone intertropicale. Il s’agit du fameux Gulf Stream.
Les vents dits alizés de chaque côté de l’Equateur poussent littéralement l’eau océanique vers l’ouest et provoquent un phénomène de remontée des eaux profondes appelé upwelling. Le long des côtes ouest de l’Afrique, au niveau de l’archipel des Canaries et au large de la Namibie les alizés contribuent également à ce phénomène d’upwelling.
En rapprochant une multitude de données il a pu être établi qu’il existe des oscillations du système complexe des courants marins parcourant l’Atlantique.
L’importance de ces courants marins ne doit pas être minimisée. Par exemple le volume d’eau déplacé par le Gulf Stream au large de la Nouvelle-Angleterre est de 150 Svedrup (Sv), c’est-à-dire 150 millions de m3 par seconde, un Sv étant égal à 1 hectomètre-cube, soit 1 million de m3/seconde, je le précise pour ceux qui ne savent pas combien il y a de m2 dans un hectare … À titre de comparaison le débit de l’Amazone, le plus grand fleuve du monde, est à son embouchure de 200000 m3 (0,2 Svedrup), c’est-à-dire qu’à sa valeur maximale le Gulf Stream transporte 3750 fois plus d’eau que ce fleuve.
Une équipe internationale d’océanographie distribuée entre la Chine, les USA et l’Allemagne (cf. lien en fin de billet) a étudié pendant 20 ans l’évolution de la salinité, de la température, de l’oxygène dissous et de la densité à toutes les profondeurs des eaux de l’Atlantique Nord.
L’étude a été focalisée sur une ligne reliant l’archipel des Canaries aux îles Bahamas et une ligne de l’Écosse à la Nouvelle-Angleterre en passant par le sud du Groenland. Dans la partie sud de l’Atlantique nord les études ont été rassemblées sous l’acronyme RAPID (Rapid Climate Change-Meridional Overturning Circulation and Heatflux Array-Western Boudary Time Series) alors que dans la partie nord elles ont été rassemblées sous l’acronyme GECCO2 (German Estimating the Circulation and Climate of the Ocean system 2).
La masse considérable de données a nécessité plusieurs années de travail. Parmi les nombreux renseignements obtenus l’un des plus spectaculaires est la tendance vers une lente diminution de l’intensité de l’AMOC, un autre acronyme pour Atlantic Meridional Overturning Circulation, en d’autres termes un ralentissement de la circulation globale des eaux marines de l’Atlantique Nord au cours de la période 2004-2014 :

Ce ralentissement n’est que de 5 Svedrup (en rouge les données RAPID et en noir les données GECCO2, R étant le coefficient de corrélation entre ces deux séries de données).
Certes, il s’agit d’une quantité négligeable mais elle est néanmoins équivalente à 25 fois le débit de l’Amazone. Il n’y a pas lieu de s’affoler, cette étude n’est qu’un « instantané » de l’évolution des courants marins de l’Atlantique dont l’une des périodicités (d’évolution) est d’environ 60 ans, mais elle confirme la tendance déjà observée par des approches différentes comme par exemple l’étude des sédiments des fjords de Norvège ou des fonds marins de la Mer du Labrador et autour de l’Islande ou du Svalbard (objet d’un prochain billet) .
L’Océan Atlantique Nord est une gigantesque machine thermique, un genre de pompe à chaleur qui redistribue la chaleur des eaux tropicales vers le nord de l’Europe et jusqu’à l’Islande. Un ralentissement de cette « machine » pourrait accélérer, voire amplifier, les effets de l’affaissement de l’activité magnétique du Soleil.
Il devient de plus en plus urgent de se préoccuper du changement climatique mais pas dans le sens agité par les politiciens du monde entier.
Source et illustrations : Sci.Adv. 6, eabc7836(2020)