Le remdésivir est à la santé ce que l’éolien est à l’énergie.
Dans les deux cas, on a affaire : (i) à une fausse solution, (ii) imposée par des politiciens, (iii) au détriment de solutions classiques, (iv) pour enrichir des financiers. Ces quatre caractéristiques en font des modèles, des parangons, des symboles de la modernité.
Premièrement, l’éolien présenté comme une solution miracle à la demande d’énergie, et le remdésivir comme le remède miracle capable de soigner la covid, sont en réalité tous les deux largement inefficaces, coûteux, voire nuisibles.
L’éolien produit une électricité intermittente et aléatoire, offerte seulement aux moments où le vent daigne souffler, qui ne sont pas nécessairement les moments où l’on a besoin d’électricité. Et il bousille les paysages, massacre les chauves-souris, bétonne les champs, ravage les écosystèmes marins, explose les réseaux électriques, creuse les balances des paiements.
Le remdésivir n’a (heureusement) pas été largement utilisé. Les premiers essais effectués par son producteur, Gilead, ont été contestés. Des essais plus importants et plus indépendants ont « trouvé peu ou aucun bénéfices chez des patients hospitalisés », (comme l’écrit Fiona Godlee, la rédactrice en chef du vénérable British Medical Journal dans un éditorial du 3 novembre 2020).
Il semble maintenant établi que ce médicament fait plus de mal aux reins des patients qu’au virus de la covid. C’est en tout cas ce que pense et dit l’Organisation Mondiale de la Santé, qui vient (20 novembre) de déconseiller formellement l’usage du remdésivir.
Dans les deux cas, les prétendus rêves se transforment en vrais cauchemars.
Deuxièmement, ces nouveautés ne doivent rien au jeu du marché, et tout au pouvoir du politicien.
L’éolien ne se développe que parce que des lois ou des décrets donnent à cette forme d’électricité une priorité d’achat (le secteur public achète tout ce qui est produit), ainsi qu’un prix élevé (le secteur public subventionne lourdement l’électricité éolienne). NDLR : "Le secteur public" Traduire par les impôts que nous payons.
Pour un industriel, débouché assuré et prix juteux, c‘est le pied.
Le remdésivir a besoin d’autorisations des agences de santé, et de pré-achats des gouvernements. Il a obtenu les deux.
Le feu vert a été donné : aux Etats-Unis par la Food and Drug Administration en mai puis en octobre; en Europe par l’Agence Européenne du Médicament en juillet ; en France par le Haut Conseil de la Santé Publique en mars, puis par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament en juillet.
Des commandes massives ont été passées : aux Etats-Unis, où le Président Trump a été soigné à grands sons de trompe : en Europe, ou la Commission Européenne a négocié en octobre avec Gilead un marché de 1 milliard de dollars, permettant aux pays membres de s’approvisionner. La France, par prudence ou par lenteur administrative, on ne sait, n’a d’ailleurs pas bénéficié de cette opportunité.
Le développement de nos deux miracles ne s’appuie pas sur l’innovation ou le management, mais principalement sur la proximité politique. Fiona Godlee, la rédactrice en chef du British Medical Journal n’hésite pas à parler « des machinations derrière l’ascension rapide du remdésivir ». L’homme-clé des firmes qui réussissent n’est plus l’ingénieur, ni le gestionnaire, c’est le directeur des relations institutionnelles.
Troisièmement, dans les deux cas, le succès se construit sur le dénigrement, voire la diabolisation, des produits concurrents : le nucléaire pour l’éolien, l’hydroxychloroquine pour le remdésivir.
L’électricité nucléaire est la moins carbonée des électricités (même M. Macron a fini par le comprendre, ou en tout cas par le dire).
Eh bien, les acteurs de l’éolien ont réussi à persuader 78% des Français que les centrales nucléaires rejettent beaucoup de CO2 : vous voulez sauver la planète ? militez contre le nucléaire – et donc pour l’éolien !
Afin de se protéger du paludisme, des centaines de millions de personnes ont pris de l’hydroxychloroquine, sans effets secondaires notables. Les tenants du remdésivir nous expliquent que ce médicament est extrêmement dangereux, et qu’il faut l’interdire. The Lancet publie à cet effet un article bidon (et reconnu comme tel, c’est-à-dire annulé, par la revue elle-même). En juillet 2020, les autorités de santé françaises interdisent l’hydroxychloroquine, et même temps autorisent le remdésivir.
Cela n’a peut-être aucun rapport, mais Gilead a arrosé large : sur les 114 chercheurs et professeurs membres du CMIT (Collège des universitaires des Maladies Infectieuses et Tropicales), 97 ont perçu des sommes de Gilead.
Quatrièmement, les vrais bénéficiaires de l’éolien et du remdésivir sont des financiers. Les prix de ces produits, fixés par les politiciens, sont bien supérieurs à leurs coûts.
Le remdésivir bat des records : le prix de vente est de 2100 euros par traitement, pour un coût de production de 4 euros. Même si ce coût ne prend pas en compte le coût de la recherche-développement, ni les risques d’échec, qui sont tous les deux élevés, on voit que la marge bénéficiaire est extravagante.
A titre de comparaison, le prix de vente d’un traitement d’hydroxychloroquine est de 5 euros, avec une marge bénéficiaire très faible car le produit n’est plus protégé par un brevet. Cette comparaison peut aider à comprendre l’acharnement mis par certains à éliminer l’hydroxychloroquine et à lui substituer le remdésivir.
Autrefois, on préférait ce qui coûte 5 à ce qui coûte 2100 ; aujourd’hui, c’est le contraire. Si les bénéfices du remdésivir s’expriment en milliards, ceux de l’éolien, qui sont bien connus, se mesurent en dizaines de milliards. Cerise sur le gâteau : dans les deux cas, ces gains bénéficient principalement à des financiers internationaux. Gilead est une firme américaine. Les fabricants d’éoliennes sont presque tous allemands, espagnols, ou encore danois. Certains, heureux de la mondialisation, s’en réjouissent ; d’autres, en pensant que ces bénéfices sont financés par le contribuable français, s’en désolent.
Vous pensez que ce ne sont là que deux cas rares ? Que nenni !
Si remdésivir et éoliennes étaient des cas rares, isolés, non significatifs, on pourrait faire l’économie de leur analyse. Il n’en est malheureusement rien. Ces objets-là, et les conditions de leur production, sont au contraire représentatifs du nouveau monde en gestation : big business travaille au corps la science, les médias, l’opinion, les associations, les administrations, pour obtenir des politiciens les décisions qui vont lui permettre de gagner beaucoup d’argent, et de continuer à travailler au corps la science, les médias, etc.
Oubliez ce qu’on a pu vous raconter sur la souveraineté du consommateur, l’efficacité de la concurrence, le rôle clé de l’innovation, ou l’intérêt général incarné par le système politique : c’était l’ancien monde. Tournez la page.
Ecoutez Baudelaire : « Il est temps ! levons l’ancre ! ô Mort appareillons ! ».