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Le Blog de jlduret

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Pensez juste ou pensez faux mais pensez par vous-même ! Depuis Socrate, le devoir du penseur n’est pas de répéter la doxa du moment mais de la questionner.


L’impitoyable été 1911 : 70 jours de canicule

Publié par jlduret sur 19 Août 2020, 07:38am

Catégories : #Canicule, #Réchauffement climatique

Lu ici

Réchauffement aidant, la canicule est devenue un marronnier (un objet rédactionnel obsessionnel et répétitif) pour les médias. Chaque été on remet le couvert dans l’espoir d’anticiper sur de nouveaux épisodes extrêmes. La peur, ça se cultive.

canicule,1911,vague de chaleur,réchauffementÉté 1911: Paris brûle

Pourtant on est loin des étés comme celui 1947 (et plusieurs années suivantes), ou celui de 1921 et sa folle canicule. Et très loin de la canicule de 1911. Qualifiée d’impitoyable par la presse, elle a duré 70 jours selon Le Parisien. Et selon Wikipedia: «La vague de chaleur de l'été 1911 en Europe est une vague de chaleur puissante qui s'étend du 5 juillet au 13 septembre, avec de courtes interruptions. »

70 jours!!! Du jamais vu avant et du jamais revu depuis. Et elle a fait 40 000 morts.

« Le mercure commence son ascension le 4 juillet, s’octroie un petit break entre les 16 et 18, avant de se remettre dans le rouge jusqu’au 31. Sous les toits en zinc de la capitale, la fournaise est devenue si insupportable que beaucoup préfèrent dormir dans la rue. Sur les boulevards brûlants, les Parisiens en canotiers ne s’attardent pas. »

Ou encore :

« Paris brûle, mais la situation n’est pas plus réjouissante en province - 40 °C à Lyon et Bordeaux les 22 et 23 juillet - ou même à Londres. »

La capitale, privée d’eau par endroit, égrène ses morts, surtout des bébés déshydratés.

« Une véritable hécatombe qui frappe pour un quart les personnes âgées. Quasiment toutes les autres victimes sont des bébés de moins de deux ans ! »

canicule,1911,vague de chaleur,réchauffementIncidence solaire

En Europe de l’ouest, la France et l’Espagne sont les pays les plus concernés par les fortes chaleurs. On comprend bien cela en Europe du sud (la Grèce par exemple). Mais pourquoi la France? Sa situation en bordure de l’Atlantique devrait lui valoir le passage de masses d’air d’ouest, plutôt fraîches et humides, au moins sur une grande moitié de son territoire dont la façade ouest.

Or, contre toute attente, cette façade ouest s’est progressivement réchauffée elle aussi. Comment?

Il y a deux origines principales aux fortes chaleurs estivales, illustrées sur l’image 1 : à l’est, les canicules continentales produites par échauffement des grandes plaines; au sud les canicules importées par une aérologie particulière.

La première origine est le réchauffement des sols et de l’atmosphère par l’ensoleillement maximal. Les journées sont longues et l’angle d’incidence des rayons solaires est faible. Donc l’épaisseur d’atmosphère que le rayonnement doit traverser est courte et est concentré sur une surface plus petite, comparée à l’hiver (image 4 et 5, clic pour agrandir).

Cette petite surface chauffe davantage si elle est sèche et si l’ensoleillement est maximal. Son réchauffement est freiné en cas d’humidité de l’air ou par la présence plus abondante de nuages.

canicule,1911,vague de chaleur,réchauffementAspirateur

Les grandes vagues de chaleur et de sécheresses continentales ont toujours existé. Des plaines d’Europe centrale à l’Alsace, à la Beauce et à la vallée du Rhône, ces canicules profitent d’une atmosphère très stable, avec blocage anticyclonique. L’air ne bouge pas. Sur l’image 2 (situation météo du 10 août) je les ai représentées par une flèche rouge venant d’Europe centrale.

Sur les images 2 (10 août) et 3 (12 août) du site Ventusky, les pressions – et donc la direction dans laquelle tournent les vents – sont symbolisées par des flèches rondes bleues. J’ai également posé les températures relevées en différents endroits d’Europe. On constate par exemple le contraste entre le chaud franco-espagnol et le frais de Russie.

La seconde origine des canicules et fortes chaleurs est un déplacement de masses d’air du sud vers le nord (dans notre hémisphère). Une masse d’air peut être poussée ou aspirée par des jeux de pressions et l’aérologie qu’ils génèrent.

Le bassin Atlantique tropical est une réserve d’air chaud. Elle peut être contenue au sud par l’anticyclone des Açores, ou aspirée vers le nord par des dépressions. Les dépressions sur le Golfe de Gascogne (en bleu sur les images 2 et 3) jouent le rôle d’aspirateur.

canicule,1911,vague de chaleur,réchauffementLondres

Le Sahara est une autre grande réserve de chaleur, la plus importante. En été l’air brûlant du désert monte vers la Méditerranée et l’Espagne, où il reçoit un supplément de chaleur du fait de la désertification de la péninsule ibérique.

Les vents portent ces masses d’air très chaud vers le nord, montent par-dessus les Pyrénées. La descente côté français provoque un réchauffement supplémentaire. Les chaleurs de l’ouest de la France sont très probablement liées aux flux de sud et sud-ouest, et non au simple réchauffement de l’atmosphère.

À noter que pendant l’été 2003, les deux phénomènes se sont conjugués.

Dans la période actuelle de réchauffement, les vents viennent du sud et sud-ouest plus que d’ouest-nord-ouest ou nord-est, comme avant les années du réchauffement. Il y a un changement dans les courants aériens.

Comme pour l’hiver dernier très doux, le réchauffement est donc (pour l’Europe) en bonne partie le résultat d’une chaleur importée du sud plus que produite localement. Cela tient aux jeux cycliques des pressions et des courants aériens.

Ces poussées chaudes importées vont jusqu’à Londres, Münich et parfois Oslo. Le réchauffement des hautes latitudes est essentiellement dû à de la chaleur importée, car l’incidence des rayons solaires est localement trop faible pour générer de grosses canicules.

canicule,1911,vague de chaleur,réchauffementVivable

C’est donc possiblement l’aérologie qui commande principalement aux vagues de chaleurs attribuées au réchauffement. L’aérologie, soit les nuages, l’ensoleillement, le jeu périodique des pressions, les échanges océans-atmosphère, la direction des vents dominants, les grandes oscillations météorologiques connues, entre autres.

Étant donné que l’atmosphère terrestre n’est pas fermée comme une serre, une partie de la chaleur accumulée est évacuée vers les hautes couches grâce à la chaleur même, qui augmente le brassage vertical de l’atmosphère et agit comme une rétroaction négative (donc modératrice) sur le réchauffement.

En ce qui concerne Genève et sa région, la fin du mois de juillet et les premiers jours d’août sont normalement chauds pour une période de canicule. Même avec le réchauffement.

Lequel réchauffement, à part quelques séquences extrêmes comme en 2003, est parfaitement vivable, et réduit les frais de chauffage et la pollution par les chaudières (!!)

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