SCE-INFO : Climatologie actuelle, un (petit) pas vers plus de réalisme ?
Nature, l’une des plus célèbres revues scientifiques à l’échelle mondiale, vient de publier un article assez inattendu.
Celui-ci se permet une analyse critique des scénarios climatiques proposés dans les rapports du GIEC (scénarios RCP, i.e. “Representative Concentration Pathways”). Comme on peut le constater chaque jour en consultant les médias, ce sont toujours les scénarios les plus catastrophiques qui sont relayés.
En quoi cela apparaît-il comme une surprise ?
L’article estime en premier lieu que les médias amplifient le plus souvent les conclusions du GIEC sans nuancer.
Cette mauvaise façon de procéder est liée au fait que les médias retiennent souvent le scénario le plus pessimiste qui ressort des modèles, à savoir une augmentation de la température de 5°C à l’horizon du siècle (scénario ‘RCP8.5’) par rapport à celle qui prévalait lors de la période pré-industrielle.
Ce scénario semble tout simplement impossible pour les auteurs, car il demanderait d’augmenter par cinq la consommation de charbon d’ici la fin du siècle, une quantité plus importante que les réserves estimées actuellement.
La consommation de charbon aurait atteint son pic en 2013 et pourrait rester stable, mais ne devrait plus connaître d’envolée de longue durée. De plus, la compétitivité des énergies renouvelables se renforce et se renforcera. Les auteurs tablent ainsi sur une augmentation de 3°C qui reste selon eux un problème.
Le dégel du permafrost (avec largage de méthane) est aussi exagéré et alimente le scénario du pire (à ce sujet voir aussi cet article de SCE, qui nous montre que le permafrost est loin de se comporter comme on pensait).
Finalement, les auteurs concluent ainsi :
“We must all — from physical scientists and climate-impact modellers to communicators and policymakers — stop presenting the worst-case scenario as the most likely one.”
Quelle est la conséquence de ces exagérations ?
La première est que ces exagérations entretiennent la confusion auprès des investisseurs et des politiques : comment pourraient-ils s’y retrouver avec plus de 1200 scénarios d’adaptation/d’atténuation (=’mitigation’) liés aux émissions de GES, envisagés dans le rapport AR5 (2014)?
Il n’y a aucun fil conducteur et un manque total de clarté. L’IEA (Agence Internationale de l’Energie) et les Nations Unies proposent seulement quelques scénarios en vue de limiter l’augmentation de la température de moins de 2°C.
On voit ainsi que deux visions s’offrent aux décideurs, en partant d’une augmentation de 3°C, on peut passer de 3°C à < 2°C ce qui est très différent que de passer de 5°C à 3°C, dans le premier cas cela serait ‘possible ou jouable’, dans le second cela serait ‘impossible ou insurmontable’. On voit donc toute la problématique de présentation du problème à partir de scénarios extrêmes.
Est-il possible de s’y retrouver ?
La réponse est non, les auteurs soulignent que tous les scénarios proposés ne sont pas quantifiés, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas inférés en terme de probabilité. Dans ce contexte, impossible de se baser sur un minimum (objectif) de concret et la situation qui en résulte est la suivante :
“But when specialists refuse to assign probabilities, users often do so themselves. Most do so poorly because they do not have a deep understanding of the assumptions that underpin these scenarios.”
Pour les auteurs, cette faiblesse de l’analyse nécessite que les modélisateurs travaillent autrement. Aveu d’échec ?
Que conclure ?
-
Comme le soulignent les auteurs, arrêtons d’utiliser le pire des scénarios de réchauffement climatique comme résultat le plus probable. Il faut rester réaliste pour développer de meilleures politiques
-
Cet article de Nature n’est cependant pas une mini-révolution dans la problématique actuelle de la climatologie. En effet, même si un embryon de discussion est abordé, il n’en reste pas moins que les auteurs se basent sur l’hypothèse de l’effet de serre (cfr. leur graphique avec en ordonnée les émissions de CO2 rappelant “le bouton CO2” à même de tout expliquer).
-
De plus, les processus naturels n’ont pas droit au chapitre. Ces derniers ont souvent été abordés par SCE, de même que le CO2 tant dans sa relation avec la température que de celui de son hypothétique effet de serre (voir ici). SCE ne nie pas un réchauffement minime, mais est plus critique sur son origine. C’est ce ‘Rubicon’ qu’ignore l’article analysé.