A l’occasion de la tenue à Madrid de la COP 25, Judith Curry(*) a été invitée à exprimer son opinion dans un journal espagnol. (1)
Jo Moreau a repris ici quelques extraits de l'article, dans une traduction « maison ».
La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, cette semaine à Madrid, offre une occasion importante de faire le point sur le débat public concernant les changements climatiques.
(…) La majorité des engagements nationaux pris à la conférence de Paris sont totalement insuffisants pour atteindre les objectifs fixés. En même temps, Extinction Rebellion et d’autres militants activistes font de plus en plus entendre la rhétorique stridente sur la « menace existentielle » de la « crise climatique », du « chaos climatique galopant », etc. (…)
Décisions sans preuve
Le traité de 1992 sur les changements climatiques a été signé par 190 pays avant même que des preuves scientifiques suggèrent une influence humaine perceptible sur le climat mondial. Le protocole de Kyoto de 1997 a été mis en œuvre avant que nous ayons la certitude que l’essentiel du réchauffement récent était dû à l’homme. Les scientifiques ont été soumis à une énorme pression politique pour présenter des éléments qui conforteraient ces traités, ce qui a permis de créer un consensus scientifique sur les dangers du changement climatique provoqué par l’homme.
Le Climat n'a pas de bouton de contrôle.
Désigner les émissions de combustibles fossiles comme un « bouton de contrôle » du climat est une idée simple et séduisante. Cependant, il s’agit là d’une simplification excessivement trompeuse, dans la mesure où le climat peut changer naturellement dans des directions inattendues. Outre les incertitudes liées aux émissions futures, nous sommes toujours confrontés au minimum à trois variables, qui influenceront la manière dont l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère agira sur la sensibilité de la température de la Terre. Nous n’avons aucune idée de l’évolution de la variabilité naturelle du climat au 21e siècle (influence solaire, activité volcanique, circulation océanique), et si la variabilité naturelle l’emportera ou non sur le réchauffement provoqué par l’homme.
Un Climat "plus chaud" est-il néfaste ?
Nous n’avons toujours pas d’évaluation réaliste de l’impact d’un climat plus chaud, et de son degré de dangerosité. Nous ne comprenons pas bien son influence sur les phénomènes météorologiques extrêmes.
L’utilisation des terres et leur exploitation par l’homme constituent un problème beaucoup plus important que le changement climatique sur l’extinction des espèces et la santé de l’écosystème. (…)
La science climatique est bien loin d'être dite
On nous a dit que la science du changement climatique est « bouclée » (the science of climate is settled). Cependant, dans la science du climat, il y a une distorsion entre la proclamation d’un « consensus » scientifique venant appuyer des orientations politiques, et la recherche fondamentale qui repousse les frontières de la connaissance. La science du climat se caractérise par un éventail de connaissances en évolution rapide, et un désaccord entre les experts. Les prévisions de changement climatique au 21 ème siècle sont caractérisées par une profonde incertitude.
Climat ou météo ?
Néanmoins, les scientifiques activistes et les médias considèrent chaque événement météorologique extrême comme la preuve d’un changement climatique provoqué par l’homme. Ils ignorent les analyses de scientifiques plus mesurés montrant des périodes encore plus extrêmes dans la première moitié du 20 e siècle, lorsque les émissions de combustibles fossiles étaient beaucoup plus modestes. (…)
Il n'y a pas de "menace existentielle"
On nous a dit que le changement climatique est une « menace existentielle ». Toutefois, sur la base de notre évaluation scientifique actuelle, ce n’est pas le cas, même dans ses hypothèses les plus alarmistes. Cependant, la perception du changement climatique provoqué par l’homme comme étant à court terme la cause d’un futur apocalyptique a réduit les options politiques que nous sommes disposés à envisager.
Nous avons non seulement simplifié à l’excès le mécanisme du changement climatique, mais également simplifié la « solution » à y apporter.
Même si vous acceptez les prédictions du modèle climatique et l’idée que le réchauffement soit un danger, il existe un désaccord parmi les experts pour déterminer si l’abandon rapide des combustibles fossiles est la réponse politique appropriée. Quoi qu’il en soit, réduire rapidement l’usage des combustibles fossiles afin d’atténuer les effets néfastes des phénomènes météorologiques extrêmes à court terme semble de plus en plus relever d’un processus magique.
Le changement climatique, qu’il soit d’origine naturelle ou humaine, est un problème récurrent qui nécessitera des siècles de gestion.
La rhétorique extrême de « Extinction Rebellion » et autres activistes complique un accord sur les politiques relatives au changement climatique. En exagérant les dangers au-delà de toute crédibilité, il est difficile de prendre au sérieux le changement climatique. L’accent mis exclusivement sur l’élimination des émissions de combustibles fossiles détourne notre attention des principales causes du problème, et néglige l’adoption de solutions efficaces.
Des stratégies sensées afin de réduire les conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes, améliorer la qualité de l’environnement, développer de meilleures technologies énergétiques, améliorer les pratiques agricoles et l’utilisation des terres, et mieux gérer les ressources en eau peuvent ouvrir la voie à un avenir plus sûr et prospère.
Chacune de ces solutions, soit soutenir l’atténuation des conséquences du changement climatique tout en améliorant le bien-être du citoyen est fondée sur le bon sens. Ces stratégies évitent les politiques actuelles coûteuses qui n’auront qu’un impact minime sur le climat. Enfin, ce programme n’exige pas un accord unanime sur les risques des émissions de gaz à effet de serre non contrôlées.
Nous ne savons pas comment le climat du 21 ème siècle va évoluer, et nous pourrons sans aucun doute être surpris. Compte tenu de cette incertitude, les objectifs et les contraintes d’émission précis sont scientifiquement dénués de sens. Nous pouvons éviter une grande partie de l’impasse politique en mettant en œuvre des stratégies de bon sens et acceptées par tous qui améliorent les technologies énergétiques, sortent les gens de la pauvreté et les rendent plus résilients face aux phénomènes météorologiques extrêmes.
Judith Curry
(*)Judith Curry -PhD en sciences géophysiques- est professeure émérite du Georgia Institute of Technology, School of Earth and Atmospheric Sciences, ex professeure University of Colorado-Boulder Department of Aerospace Engineering Sciences.