Merci à l’auteur de m’autoriser à publier ici la traduction de son article si réjouissant paru lundi dans l’édition australienne du Daily Telegraph. Thank you so much Tim!
Nous, les immondes capitalistes, désirons ardemment détruire la Terre pour de bon. Pourtant, à chaque fois nous ne parvenons qu’à améliorer les choses.
Pauvre Tim Flannery ! L’ancien Australien de l’année — il ne devait pas y avoir beaucoup de choix en 2007 — a récemment pleuré parce que tout le monde se fiche des folles alertes climatiques qu’il lance depuis des décennies. Il déclare que cette situation tragique le fait « regarder [s]es 20 ans d’activisme climatique comme un échec colossal.«
Ouin ! Mon pauvre professeur ! Heureusement que vous pourrez tout de même vous consoler avec tous ces millions que vous avez gagnés en vendant des livres, des documentaires à ABC ainsi que les 180 000 dollars australiens que vous avez empochés en travaillant trois jours par semaine pour les affaires climatiques de Julia Gillard [ancienne Première ministre australienne, NdT].
Nous autres du mouvement de destruction de la planète, on n’a pas cette chance. Je pense que tout ce que j’ai reçu des compagnies pétrolières et minières ces 20 dernières années ne doit pas faire plus que quelques centaines de milliers, grand max.
En vrai, c’est au palmarès des losers que nous autres haineux de la planète sommes les mieux classés. À chaque fois qu’on fait un truc pour tout casser, ça finit pareil : les choses vont mieux après qu’avant.
Ça a commencé dès 1886, quand l’ingénieur allemand Karl Benz a inventé la première voiture. Jusque là, le pétrole était principalement utilisé dans les lampes, ce qui bien sûr n’avait aucune chance de réaliser l’Apocalypse que nous appelons de nos vœux.
Les voitures, donc. Plein de voitures, pas chères, fonctionnant au pétrole : sûr que ça allait marcher.
Henry Ford a renforcé nos espoirs en développant la production de masse. Nous autres tueurs du monde, nous nous sommes alors tranquillement assis avec nos cigares, attendant impatiemment la fin des temps.
Au lieu de ça, le transport individuel a émancipé des millions de personnes, et permis des avancées encore jamais vues dans le monde entier. Caramba! C’était raté.
En plus, ce qu’on n’a pas vu venir, c’est que quand un domaine de l’activité humaine accélère son développement, cela tend à faire accélérer aussi d’autres domaines importants de cette même activité humaine. C’est ainsi que le transport individuel rapide a fait franchir un pas immense dans la possibilité d’avoir accès à d’autres gens, d’autres idées, ainsi qu’à des opportunités autrefois inaccessibles.
En peu de temps, donc, il nous fallut faire face à ces cauchemars que sont la médecine moderne, l’amélioration des techniques agricoles, et des personnes bien portantes partout. Et le processus se poursuit, il atteint désormais les pays en développement.
Comme l’éditorialiste américain Rich Lowry le signalait la semaine dernière, « Selon HumanProgress.org, le taux de pauvreté globale, qui était de 28 % en 1999, a chuté à 11 % en 2013. L’espérance de vie a augmenté, passant de 63,2 ans en 1981 à 71,9 ans en 2015. Le taux de scolarisation à l’école primaire est passé de 80 % en 1981 à 90 % en 2015. La même tendance positive s’observe pour la faim dans le monde, le travail des enfants, l’alphabétisation, et ainsi de suite.«
On peut donc clairement parler d’effets pervers. Tous ces efforts menés par des générations de pressurisateurs de planète pour un tel résultat ! Voilà donc notre bilan : réduction de la pauvreté, hausse immense du niveau de vie un peu partout… Le travail ne paye décidément pas, dans ce bas monde.
Pour ce qui me concerne, j’ai fait tout ce que j’ai pu pour hâter la catastrophe climatique. Inquiet de la diminution de mon empreinte carbone, j’ai une fois pris l’avion jusqu’à Los Angeles, pour y louer une voiture de luxe et rouler avec jusqu’au Montana dans le seul but d’y consommer un sandwich au porc frit dont j’avais vu la pub à la télé. Ça a probablement été l’usage le plus inutile de nos précieuses ressources naturelles depuis le voyage de Neville Chamberlain à Munich pour préserver la paix en 1938 — en plus, lui n’avait même pas eu droit à un dîner convenable.
Bon, espérons qu’on pourra faire un meilleur boulot et réussir à détruire quelque chose bientôt. Au moins, Greta Thunberg persiste à penser que nous en sommes capables. Bénie soit-elle.
« Des gens souffrent. Des gens meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent » a lancé la Voix du Grand Nord. « Nous sommes au début d’une extinction de masse, et tout ce dont vous parlez, c’est d’argent. Des contes de fées sur une croissance économique éternelle. Comment osez-vous !«
Il y a de ça, même si elle est un peu courte sur le concret. Qui, exactement, sont ces gens qui souffrent et qui meurent ? Quels écosystèmes s’effondrent ? Quels stupides animaux s’éteignent ?
Sans doute nos collègues destructeurs de climat peuvent-ils nous apporter quelques informations sur la manière dont ils pensent que la planète pourrait être détruite.
Est-ce que tous les volcans du globe vont soudain entrer en éruption simultanément et causer ainsi un effondrement global de la Terre sur elle-même, comme un ballon de basket troué ? Ou est-ce que la planète va éclater, à l’image du plan de développement du Grand Sydney ?
Attention, on parle quand même d’un truc qui pèse environ 5,9 milliers de milliard de milliards de tonnes, un truc pour lequel il faudra s’y mettre sans doute encore davantage que pour le Grand Sydney. Peut-être que le changement climatique fera sortir la Terre de son orbite et s’effondrer sur le Soleil ?
Voilà en tout cas quelques réjouissantes perspectives, mais quelques détails nous seront utiles pour savoir exactement quoi espérer, pour mettre en place une page Instagram idoine.
Au fait : qu’en est-il de l’échéancier ? Puisque la science est tellement bien établie, on devrait pouvoir être informés d’une date approximative pour la destruction de la planète. Même une précision seulement à l’année serait bien pratique — nos plans pour piquer des Ferrari sans se faire pincer en seraient facilités.
En tout cas, mettons le truc en route dès que possible, s’il vous plaît. Sinon, on risque de voir défiler encore et encore des bonnes nouvelles.