Sans vouloir discuter tous les articles du projet de réforme Delevoye, il paraît nécessaire d’en souligner d’ores et déjà les aspects les plus injustes.
Un rendement ridicule
Le système sera universel de telle façon que chacun ait, semble-t-il, la même retraite pour les mêmes cotisations. Indépendamment des exceptions dont on peut craindre qu’elles soient légion, le principe pourrait apparaître juste. Sauf que le rendement annoncé est désastreux. Pour 100 euros cotisés, un retraité percevra 5,50€ par an pendant sa retraite s’il la prend à 64 ans. De nombreux commentateurs se félicitent de l’importance du rendement alors que les taux d’intérêt sont aujourd’hui dramatiquement bas. Mais ils oublient que le taux de 5,5% ne représente pas seulement un rendement, mais aussi le remboursement des cotisations versées.
Selon les tables statistiques, l’espérance de vie à la retraite d’un homme de 64 ans est de 19 ans et 10 mois (19,9) et celle d’une femme de 64 ans est de 23 ans et 11 mois (23,97), soit une moyenne de 22 ans. En francs constants, un rendement des cotisations de 5,5% permettra donc de restituer au cotisant, en moyenne, 121% de ses cotisations sur toute sa période de retraite ( 22 ans). Par exemple, un retraité qui aura cotisé 200 000€ recevra 242 000€, soit un rendement de moins de 1% par an hors inflation. Et si on prend en compte le fait que dans un système de capitalisation, les cotisations versées auraient dû commencer à produire des intérêts dès le premier euro cotisé, le rendement est très négatif. Par comparaison, les placements longs, sur plus de 20 ans comme peuvent l’être ceux des cotisations de retraite, ont depuis plus d’un siècle des rendements supérieurs à 5%.
Le risque de la répartition
Sans compter que le taux annoncé ne pourra pas être maintenu si l’espérance de vie augmente et/ou si le nombre de cotisants diminue.
Cette réforme n’a de systémique que le qualificatif que le gouvernement veut bien lui donner. Car en fait, elle continue de faire reposer le système sur le principe de répartition alors que chacun sait que son mécanisme n’est pas viable à terme avec moins de deux cotisants pour un retraité. Un vraie réforme systémique eut été l’introduction progressive mais rapide et massive de la capitalisation comme l’ont fait de très nombreux pays pour que les cotisants bénéficient d’un rendement satisfaisant à long terme. A défaut cette réforme est celle d’une faillite annoncée ou d’un appel croisant à l’impôt pour renflouer le système.
Un nouvel impôt
D’ailleurs c’est un autre vice de cette réforme que d’en profiter pour instituer un nouvel impôt sur les plus riches avec une cotisation déplafonnée de 2,81% (aujourd’hui !) au-delà de 120 000€ de rémunération, qui ne donnera aucun droit à retraite complémentaire. Un complément de CSG en quelque sorte à la charge des cadres et dirigeants qui s’ajoutera à une progressivité déjà très forte de l’impôt sur le revenu.
Un système centralisé et spoliateur
Le vice le plus fondamental est peut-être surtout dans la centralisation du nouveau système entre les mains de l’Etat. Une caisse unique des retraites universelles sera créée qui regroupera toutes les caisses et qui s’apprête sans doute ainsi à voler les réserves de 150 milliards d’euros des caisses complémentaires et indépendantes. Et l’Etat pilotera le tout. Certes, il est prévu d’associer les assurés et les professionnels au sein du conseil d’administration de cette structure et de lui adjoindre un « conseil citoyen », mais le budget sera préparé par l’Etat et inclus dans les lois de finances ! Et rien n’assure que les retraités seront représentés dans les instances mises en place.
Cette réforme est une pierre de plus dans la prise en charge « universelle » de la société par l’Etat avec en corollaire l’infantilisation croissante des individus. Il n’y a d’ailleurs aucun exemple étranger (pays riches et démocratiques) de système "universel" comme celui que veut mettre en place M. Macron.
Il reste une question sans réponse : comment et pourquoi M. Macron et son gouvernement peuvent-ils encore être critiqués pour leur libéralisme alors qu’une grande majorité des réformes engagées, et particulièrement celle des retraites, renforce le collectivisme dont est empreinte la politique de la France depuis des décennies ?