J’insiste sur les comparaisons, tant me paraît importante celle entre le climat présent et celui du passé. Le présent s’inscrit dans une continuité de plusieurs millénaires. Le passé nous vaccine contre la peur due à l’effet loupe.
Les méthodes
Les tendances climatiques du passé sont évaluées par plusieurs méthodes: l’analyse des carottes de glaces du Groenland et de l’Antarctique, l’analyse de sédiments terrestres et marins, la dendrochronologie ou analyse des cernes des arbres, la botanique, les dates connues de récoltes, et différents textes ou registres civils ou paroissiaux.
Ces méthodes, même superposées et corrélées entre elles, ne fournissent pas d’indication sur la température précise du passé avant le thermomètre. Néanmoins elles permettent d’avoir une bonne vue des tendances.
On peut, au niveau d’une région, dire qu’un automne a été exceptionnellement chaud quand les arbres fruitiers entament une deuxième floraison en octobre. En effet, pour que cette floraison se passe, certains arbres ont besoin d’une température moyenne plus élevée que d’ordinaire. D’une deuxième floraison, on peut déduire la température minimale d’une saison ou année.
Ces méthodes sont par nature moins précises que les moyens modernes. Cependant elle apportent des indications précieuses dans l’estimation des grandes phases du climat passé. Une étude menée récemment par Jan Esper en Allemagne et publiée dans Futura Sciences montre (image 2, clic pour agrandir) les températures estivales reconstituées par dendrochronologie de l’an -138 à nos jours. Cela nous change des graphiques sur 30, 50 ou 100 ans, étirés en hauteur pour forcer l’impression ascendante.
Freiner la descente
La présentation graphique étirée vers le haut est une astuce destinée à sidérer le lecteur. Ou en tous cas un choix de ne montrer qu’un segment de temps court du réel, ce qui amplifie l’aspect terrifiant.
Ce graphique montre plusieurs choses. Il montre d’abord que notre époque n’est pas exceptionnellement chaude par rapport aux optima romain et médiéval. Ensuite, les variations de +/- 1° sont la norme par rapport à une moyenne basée sur la période 1951-1980.
Ensuite encore, nous sortons d’une longue période à tendance plutôt fraîche. Enfin la tendance générale des températures serait à la baisse depuis 2’000 ans, une baisse de 0,21° ou 0.31° par millénaire (ligne rouge pointillée) selon les études.
De toutes ces variations seule l’actuelle serait différente car causée, selon le Giec, uniquement par le CO2 d’origine anthropique. L’article mentionne même l’hypothèse selon laquelle le réchauffement anthropique aurait retardé la descente des températures vers le début de la prochaine ère glaciaire – ce qui n’est pas une mauvaise chose, si c’est vrai, c’est même une aubaine, un sursis avant une plongée de 100’000 ans dans le froid:
« Les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique, massives depuis le début de l’ère industrielle, pourraient avoir interrompu l’arrivée de la prochaine ère glaciaire en mettant fin au refroidissement de la moitié nord de la planète. »
Stagnation fraîche
Cette hypothèse ne fait pas l’unanimité, comme toujours quand il s’agit de prédire le futur. Si elle se vérifiait, la baisse volontaire de CO2 d’origine anthropique pourrait faire s’emballer le processus de refroidissement et nous plonger rapidement dans un hiver glaciaire. Pire que le réchauffement de 1 ou 2 degrés.
Or qui peut affirmer actuellement que l’intervention humaine sur le climat sera d’une totale innocuité? Personne. Pas plus qu’on ne peut expliquer les variations passées, certaines très abruptes (image 3, se lit de droite à gauche: les résultats du carottage des derniers 4’000 ans selon le projet GISP).
La variation haussière actuelle, commencée il y a plusieurs siècles, n’est pas particulièrement abrupte. Elle met fin à une longue période de stagnation fraîche.
Cette mise en perspective qui dédramatise, cette inclusion du présent dans un temps plus long, dans un corps continu de données et d’évolution du climat depuis des millénaires, devrait donner à réfléchir sur les notions d’urgence, d’apocalypse, de Terre-étuve, et sur la propension à faire de chaque record récent une preuve supplémentaire d’une catastrophe qui arriverait au galop.
Dans cette démarche qui vise à privilégier la réflexion sur l’émotion, les événements majeurs du passé nous rappellent que les extrêmes peuvent de manifester à toute époque et qu’aucun record n’est significatif à lui seul.
La ligne moyenne des températures depuis une centaine d’années ne suit pas le volume d’émissions de CO2 anthropique.
Coups de chaleur
Et puisque dans le passé des hausses et des baisses parfois brutales de température ont pu se dérouler sans apport de CO2 anthropique, je reste dubitatif sur l’hypothèse d’une cause uniquement humaine de la variation actuelle.
Quels seraient d’autres facteurs possibles? Les volcans sous-marins, peu connus, encore peu étudiés? De récentes découvertes montrent qu’ils ne sont pas aussi calmes qu’on le pensait et nombre d’entre eux viennent d’être découverts sous l’Antarctique ouest. Quelle est leur influence?
Et pourquoi chaque poussée de chaleur planétaire depuis 1975 survient en phase d’El Niño dominante (image 4), en particulier entre 1975 et 2000?
De 2000 à 2015, phase de plateau ou de pause dans le réchauffement récent, on voit davantage d’alternance entre El Niño chaud, en rouge, et La Niña froide, en bleu, jusqu’au puissant Niño de 2015-2016 qui a délivré encore plus de chaleur dans l’atmosphère. Les années 1945-1975 étaient fraîchissantes sous une Niña dominante.
D’où vient cette chaleur qui réchauffe toute la planète pendant et après un El Niño? Pas de l’atmosphère. Si c’était le cas l’océan ne pourrait donner à cette atmosphère plus de calories qu’elle n’en contient déjà.
Vient-elle d’une diminution des vents et tempêtes, donc une diminution concomitante du brassage des eaux de surface qui dès lors accumulent de la chaleur? D’un surplus de chaleur interne à l’océan, d’origine volcanique? D’un manque d’ouragans pour renvoyer l’excès de chaleur vers la stratosphère?
On l’ignore. Comme on ignore les causes des réchauffements et refroidissements antérieurs ponctuels et brusques.