On dirait un scénario à la Mad Max. Les collapsologues en ont repris les codes, en particulier celui de l’effondrement des sociétés par un collapsus global. Les causes? Le réchauffement, l’effondrement de la biodiversité, l’agriculture intensive, l’épuisement des ressources, entre autres.
Sous la plume de Michel Audétat, un article du Matin Dimanche du 17 février fait le point sur cette nouvelle théorie apocalyptique. L’effondrement est ainsi défini: «Processus à l’issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, etc) ne sont plus fournis, à un coût raisonnable, à une majorité de la population par des services encadrés par la loi.»
On suppose par là un monde où les services de l’État ne fonctionneront plus correctement faute d’argent pour payer les fonctionnaires et autres dépenses sociales ou régaliennes. L’activité économique et la sécurité publique se concentreront sur quelques mégapoles, mais des territoires entiers, même des banlieues, pourraient être laissés à eux-mêmes.
Des milices locales, au service du mieux payant, protégeront ceux qui ont les moyens ainsi que les populations qui se soumettront à eux. Les États-nations se morcelleront faute de moyens pour appliquer une politique d’ensemble et pour maintenir leur cohésion faute d’argent et sous la pression de revendications locales grandissantes.
De même que la fin lente et progressive de l’empire romain a laissé place à une Italie divisée et morcelée, l’Europe entière pourrait à terme suivre le même chemin en cas d’effondrement de l’Union Européenne, sans que les États-Nations affaiblis ne soient en mesure de reprendre le relais.
Le communautarisme, les zones étendues de non-droit ou de doit privé, les milices privées à la place de la police, un cloisonnement grandissant entre les acteurs sociaux, une montée de la criminalité, en sont les conséquences possibles.
Avalanche
Des villes-États pourraient s’ériger en territoires autonomes comme l’ont fait les villes italiennes du Moyen-Âge.
En regardant l’Histoire passée depuis 2000 ans jamais un effondrement de civilisation n’a été dû au climat. Cas particulier: la révolution française, déclenchée par les émeutes parisiennes de la faim suite en particulier au refroidissement général du climat européen. La cause: le volcan islandais Laki. Ailleurs, la disparition des Mayas est sujette à controverse et plusieurs causes, sociologiques et autres, sont suggérées.
La fin de l’empire romain ne s’est pas faite en 50 ans ni même en un siècle. Ce fut un long processus. Ces exemples montrent qu’il est au moins présomptueux d’envisager l’effondrement global de nos sociétés pour dans 10 ou 30 ans. Encore plus outrancier: pour 2020, comme certains des collapsologues évoqués dans l’article l’affirment.
On entre dans le territoire de la phobie ou de l’obsession mentale. La peur climatique poussée à ce point n’est plus de l’ordre de la raison. La collapsologie est une théorie hors sol. Elle se fonde sur les études d’autres chercheurs et met en évidence, paraît-il, des corrélations.
Le professeur Dominique Bourg, enseignant en géosciences à l’Unil, soutient la collapsologie. C’est, dit-il, une manière de penser le futur pour préparer notre résilience en cas de catastrophe. Soit, anticiper le pire n’est pas dépourvu de sens. Cela permet d’analyser les points faibles de nos systèmes et de les renforcer.
Pourtant le résultat est sombre: une énième charge apocalyptique, dont la multiplication depuis 2018 frise l’avalanche.
Famines
La peur est en train de gagner. Or je n’attends rien de bon d’une peur collective sur des événements virtuels futurs.
Pour Dominique Bourg par exemple (cité dans l’article) il suffit de la disparition des insectes ou du réchauffement pour provoquer l’effondrement organisationnel de nos sociétés. Au vu de l’ancienneté des espèces d’insectes sur Terre, ils n’ont jamais disparus. Au plus certains ont pris le dessus sur d’autres, au profit d’éventuels changement climatiques passés. Et la Terre, comme nous-mêmes, nous y sommes adaptés.
Y a-t-il un précédent d’un tel effondrement dans l’Histoire connue depuis 10’000 ans ? À ma connaissance, pas par un excès de chaleur. C’est probablement le froid, entre autres, qui a provoqué la fin de l’empire romain.
Le climat joue un rôle dans l’évolution des sociétés, je n’en doute pas. J’ai documenté ici l’influence de l’énorme éruption du volcan islandais Laki en 1783 sur l’entrée en révolution de la population parisienne.
Ou l’explosion du Tambora en 1815, qui a provoqué « l’année sans été ». Les populations mangeaient des racines pour tenter de survivre à la grande famine, qui aurait fait des centaines de milliers de morts.
Si le réchauffement, quelles que soient ses causes principales, devait continuer, le Sahel recevrait plus de pluies, la Sibérie et le Canada disposeraient de plus de terres arables permettant de continuer à faire reculer les grandes famines, les coûts de chauffage et la consommation d’hydrocarbures se réduiraient, entre autres.
Radicalité
Oui mais la hausse du niveau des océans? Elle est de 3,4 mm par an selon les mesures récentes (si elles sont fiables vu la complexité desdites mesures), soit 34 centimètres en 100 ans. 34 centimètres en 100 ans: on peut anticiper avant que New York ne soit submergée.
Les inondations à venir? En cinquante ans de réchauffement (plus celui depuis la fin du petit âge glaciaire, soit environ 330 ans) elles n’ont pas vraiment empiré. D’ailleurs il ne pleut pas plus et les statistiques des ouragans montrent globalement une stabilité du phénomène.
Et les tempêtes, les sécheresses et canicules? Les archives météorologiques montrent que quand les températures étaient légèrement plus basses il y avait d'intenses canicules, de terribles vagues de froid, et des temps arides ou tempétueux qui n’ont rien à nous envier.
Le chaud est une chance. C’est le froid que nous devons craindre, bien plus que le chaud et l’humide.
Selon moi l’effondrement d'une société surviendrait, si c’était le cas, davantage par une longue et profonde dépression économique associée à un délitement des valeurs constitutives de cette société, que par un ou deux degrés de plus. Moins de travail, moins de rentrés fiscales, des États surendettés, peuvent conduire à une réduction des services et favoriser le système D local.
Donc à un affaiblissement de l’État-régulateur et redistributeur au profit de collectivités locales, plus enclines au soutien de leurs membres qu’à la déférence envers une autorité civile qui ne mettrait plus la lutte contre la pauvreté comme une priorité nationale.
Les grands courants radicalisés qui proposent des réponses globales (écologisme, féminisme, islamisme) sont excitants pour ceux qui s’y engagent mais dangereux pour notre futur. Ces idéologies rigides, globalisantes et à aspirations autoritaires ne sont pas réellement des réponses mais les relais d’un procès de civilisation.
Mémoire
Conséquence: les décisions prises aujourd’hui le sont plus dans l’émotion, la peur et la soumission à diverses doxa, qu’après épuisement de toutes les controverses. Dans la stratégie alarmiste l’urgence est une arme de destruction massive intellectuelle.
Rappelons-nous: nous sommes dans une ère interglaciaire, aux températures variables comme le montre l’image 5 (clic pour agrandir). Cette image montre que nous sortons à peine de la phase la plus fraîche de cette interglaciaire.
Entre l’an 800 et l’an 1000 la température moyenne avait augmenté de 1,7 degré. Pendant cet optimum médiéval la population a augmenté, la production vivrière aussi. Il n’y a pas eu d’effondrement.
Il y a 3’500 ans le pic de réchauffement a atteint environ 3° de plus qu’aujourd’hui. Il n’y a pourtant pas eu de Terre-étuve, pas de disparition massive d’espèces ni de catastrophe remarquable à part le volcanisme et la désertification encore inexpliquée du Sahara, précédemment boisé.
Pour dire que les signes du grand collapse sont déjà visibles, l’article mentionne la canicule de 2018, des inondations, et les incendies de Californie entre autres. Or nous savons que cette canicule 2018 n’avait rien d’exceptionnel et que les incendies sont dus à un mauvais entretien des plantations et à des ressources en eau irrégulières et surexploitées, et cycliques. Le réchauffement n’y est pas pour grand chose. Quant aux inondations, notre période n’a rien d’exceptionnel.
Apocalyptiques, vous n’aurez pas ma peur.