
En 2012, une étude sur des rats de laboratoires avait voulu prouver le caractère cancérogène d'un maïs OGM. Elle a servi à de support à une campagne médiatique et à des procès contre les incrédules, dont Marianne. Mais depuis lors, quatre autres expériences indépendantes sont venues invalider cette thèse.
Et de quatre. Le 10 décembre, une étude sur la toxicité des aliments OGM publiée dans une revue scientifique, Toxical Sciences, et pilotée par le professeur Bernard Salles de l’université de Toulouse, est venue, après trois autres déjà divulguées et au bout de six années, torpiller les thèses de Gilles-Eric Séralini.
Le 20 septembre 2012, ce biologiste de renom de l’Université de Caen avait créé l’émotion en publiant une étude tendant à démontrer le caractère cancérogène des aliments génétiquement modifiés (OGM). Le scientifique s’était livré à une expérimentation consistant à nourrir pendant des mois des rats de laboratoires avec du maïs transgénique. Le résultat était spectaculaire : les pauvres bêtes étaient présentées en photos, boursouflées d’énormes tumeurs. On passera sur les nombreux rebondissements de cette étude, présentée en « exclusivité » par notre confrère L’Obs en même temps que la promotion d’un livre intitulé Tous cobaye et que la diffusion d’un documentaire à la télévision du même Séralini.
Un procès à "Marianne"
La thèse catastrophiste et ultra-médiatisée fut néanmoins contestée très rapidement, en France, en Allemagne, aux Etats-Unis, mais les soutiens de Séralini ne voyaient dans les critiques que le résultat du lobbying de Monsanto, producteur du RoundUp. Un procès (entre autres) en diffamation fut d’ailleurs intenté en 2015 à Marianne et à son journaliste spécialisé. Procès que le journal a perdu, malgré le soutien du procureur de la République qui demandait la relaxe devant la 17e chambre correctionnelle de Paris.
Si l’audience avait lieu aujourd’hui, le résultat serait probablement différent, compte tenu des recherches qui ont été menées à bien depuis, tendant à vérifier l’expérience de Gilles-Eric Séralini et concluant à un résultat négatif. Or un principe de base de la science, qu’on apprend à tous les collégiens, est que toute expérience n’existe que si elle est reproductible.
Pour l’heure, on n’a encore entendu aucune réaction de Gille-Eric Séralini lui-même, ni de ses partisans, comme le professeur Sultan, cancérologue, et l’avocate Corinne Lepage, qui avaient violemment pris notre journal à partie. Changeront-ils d’avis ? Rien n’est moins sûr, si l’on lit ce qu’écrivait notre confrère Sylvestre Huet, sur son blog Sciences2 en attendant les conclusions de l’étude française : « Certains participants à ces dialogues ne sont pas prêts à renoncer à leurs affirmations d’origine, même si la science normale démontre qu’elles sont erronées, parce que leur conviction est en réalité ancrée sur d’autres points, économiques, sociaux voire moraux pour lesquels le compromis n’est pas envisagé. C’est pourquoi, par exemple, Gilles-Eric Séralini et nombre de ses soutiens n’ont jamais accepté le verdict scientifique pourtant solidement établi sur leur expérience originelle et qu’il est très peu probable qu’ils admettent que les trois expériences conduites pour répondre à la question qu’ils avaient mal traitée sont, elles, conclusives ».
Une dernière leçon générale s’impose aux médias : la science est un plat qui se mange froid, et il est préférable de se précipiter lentement plutôt que de proclamer des vérités peu assurées.