Et les perturbateurs endocriniens ?
Si le glyphosate et les pesticides, retrouvés à l’état de traces dans les aliments (15), n’ont pas d’effet sur l’incidence des cancers humains, les partisans du « on nous empoisonne tous ! » ont trouvé d’autres mantras d’une extrême efficacité auprès des médias et du grand public : ce sont les « perturbateurs endocriniens » et l’« effet cocktail ».
Les perturbateurs endocriniens sont des molécules qui miment, bloquent ou modifient l'action d'une hormone et perturbent ainsi le fonctionnement normal d'un organisme. Une de leur particularité est qu’ils peuvent agir même à de faibles doses (16). L’effet cocktail résulte lui de la combinaison de ces produits, que ce soient des pesticides ou d’autres substances.
Un reportage sur Arte diffusé le 11 novembre 2017 sur le sujet pose la question : « Demain, tous crétins ? ». Une participante au documentaire, Barbara Demeinex précise dans Le Monde : « En 1975, selon les chiffres officiels, un enfant sur 5 000 était touché par un trouble du spectre autistique. Ce chiffre est passé à un enfant sur 2 500 dix ans plus tard et en 2001 il était d’un enfant sur 250. Il n’a cessé d’augmenter et nous sommes aujourd’hui à un enfant sur 68 touché. Les critères de diagnostic n’ayant pas évolué depuis 2000 et le pool génétique humain n’ayant pas changé dans ce laps de temps, il est certain que des causes environnementales sont impliquées, et notamment l’exposition à des perturbateurs endocriniens ».
Étant donné que cette « épidémie » d’autisme est parfaitement expliquée dans la littérature scientifique, notamment (et justement !) par le changement des critères et des méthodes de diagnostic (17), cet avis est symptomatique de l’aveuglement de certains scientifiques qui sont prêts à tous les arrangements pour faire coller leurs hypothèses à des résultats pourtant contradictoires.
Sur les perturbateurs endocriniens et la conséquence sur les enfants d’une exposition in utero (retards mentaux ou autres), une étude assez fouillée a été publiée justement en septembre 2017 (18). Alors qu’elle a eu un retentissement important dans les médias, les résultats ne sont pourtant pas du tout probants, les auteurs l’indiquent eux-mêmes au travers d’un test de significativité qu’ils ont réalisé. Qu’est-ce que cela veut dire ? De nos jours, grâce à la puissance des outils informatiques, il est possible de multiplier les tests statistiques quasiment à l’infini, ce qui a la fâcheuse tendance de multiplier à l’envi les « faux positifs » (19). Une conséquence intéressante pour qui veut dénicher de façon captieuse des financements pour de nouvelles études, mais bien sûr peu satisfaisante sur le plan scientifique si on ne met quelques garde-fous élémentaires (20,21). Sur cette étude et en toute rigueur, rien d’alarmant ne peut donc être réellement dégagé (22).
Si on peut comprendre que les journalistes ne soient pas de grands férus de statistiques pour démêler le vrai du faux, c’est quand même beaucoup plus inquiétant de la part de scientifiques. Cela conforte malheureusement l’inquiétude formulée plus haut par le professeur Grenier sur la bonne connaissance des outils statistiques par les chercheurs français.
Quant aux effets cocktails, une question de logique doit surgir immanquablement dans tout esprit un tant soit peu rationnel. On nous dit : « mangez 5 fruits et légumes par jour ! », c’est très bon pour la santé, et réduit nettement les risques de cancers (23). Mais on nous prévient dans le même temps, car fruits et légumes conventionnels sont bourrés de pesticides et ces produits sont très dangereux : cancers, perturbateurs endocriniens, effets cocktails (24)… Vu le danger que sont censés constituer ces saletés, ajouté aux effets cocktails prétendument explosifs, la logique voudrait immanquablement que plus on mange de fruits et légumes, plus on multiplie ces effets cocktails et donc, plus on meure tôt et dans d’atroces souffrances !
On ne peut finalement arriver qu’à la conclusion, on ne peut plus logique, que l’une des deux assertions citées précédemment est forcément totalement erronée sur le plan scientifique et expérimental :
- soit les fruits et légumes n’apportent pas grand chose pour les cancers et autres maladies graves,
- soit les effets cocktails ne sont pas aussi dévastateurs qu’on nous le laisse entendre pour ces maladies, en tout cas d’un effet si ténu qu’il est anéanti par l’effet bénéfique, et pour le coup salvateur, d’une poignée de fruits et légumes.
Manger bio pour se sauver…
Derrière le vacarme médiatique généré, une filière prospère et croît de façon exponentielle, générant des enjeux financiers énormes : l’industrie du bio. Forcément : avec toutes les cochonneries qu’on est censés ingurgiter et si on se fie au tombereau de nouvelles alarmistes, il n’y a plus que cette solution pour espérer se sauver. De plus en plus de gens se tournent donc vers la seule solution (faussement) rassurante qui leur est présentée.
Il n’y a quantitativement pas moins de pesticides dans les produits bio que dans ceux issus de l’agriculture conventionnelle.
Il y a certes pas ou moins de pesticides de synthèse (dits vulgairement « chimiques ») dans l’agriculture bio, mais les agriculteurs utilisent en substitution des pesticides, dits « naturels ». Or, ces pesticides « naturels » ont-ils été testés de façon aussi exhaustive que le glyphosate ? Non, pas du tout… Sont-ils réputés moins nocifs que ceux issus de produits de synthèse ? On n’en sait rien puisqu’il y a eu très peu d’études comparativement aux produits de synthèse. L’arsenic est aussi un produit naturel, est-il bon pour la santé ? La radioactivité naturelle est-elle bonne pour la santé ? Les alcalogènes présents dans les thés (notamment bio (25)) sont des produits parfaitement naturels mais identifiés cancérogènes certains (26). De même pour les mycotoxines (27) tout aussi naturelles et cancérogènes, mais on peut signaler, au passage, qu’elles sont réputées moins présentes dans les OGM ce qui rend ces espèces plus sures du point de vue sanitaire (28) …
Non, tout ce qui est « naturel » n’est pas forcément mieux.
Mais alors, manger bio est-il bénéfique ?
Si on s’en réfère au dernier barouf médiatique que nous avons connu en septembre 2017, il semblerait que oui (29)… Malheureusement la méta-analyse citée, pour ce qui est des maladies graves censées effrayer le bon peuple, ne se réfère principalement qu’aux effets des perturbateurs endocriniens (voir ce qu’il en est réellement plus haut) et à une analyse sur les cancers datant de 2014. Une étude pour le coup assez conséquente et exhaustive, qui a été réalisée en Grande-Bretagne au travers d’une enquête sur plus de 600 000 femmes, consommatrices ou non de produits bio. Cette cohorte énorme bénéficie ainsi d’une puissance statistique rare.
Que donnent alors ces résultats pour le coup d’une fiabilité accrue ? Surprise, sur l’ensemble des cancers le bio semble avoir un léger effet négatif : il y a plus de cancers chez les femmes indiquant manger épisodiquement ou de façon régulière du bio !! Sur les statistiques détaillées portant sur près de 20 cancers différents, on se retrouve avec des résultats aléatoires, faisant apparaître des moyennes tantôt favorables, tantôt défavorables au bio. Pour le cancer du sein, des ovaires ou de l’utérus, la consommation bio est mauvaise, pour les lymphomes non hodgkiniens, c’est bon. En fait les variations sont tellement aléatoires et ténues qu’il ne peut rien être affirmé de définitif, ce qui est en fait plutôt très rassurant.
Il n’y a donc aucune raison, à ce stade, de préconiser l’agriculture biologique plutôt que l’agriculture conventionnelle pour éviter des cancers ou des troubles graves du comportement chez l’enfant, les conséquences mises en avant récemment dans les médias. Ces résultats ne sont pas vraiment surprenants et viennent confirmer des résultats scientifiques déjà soulignés maintes fois quant au gain supposé d’une alimentation bio (30,31).
Des scientifiques corrompus ?
Alors que reste-t-il aux prêcheurs d’apocalypse pour vendre leur soupe ? La diffamation : jeter la suspicion sur les membres des agences sanitaires, insinuer leur collusion avec l’industrie pour empoisonner le bon peuple. Faute d’argumentation scientifique, c’est juste une manœuvre grossière et indigne.
Concernant le glyphosate en particulier, nous avons eu droit à un gros déballage de la correspondance de Monsato (les Monsanto papers) nous expliquant que des scientifiques ont été payés pour défendre le glyphosate (32). Loin de montrer une quelconque corruption de ces scientifiques, on s’aperçoit en fait que, si financement il y a eu, financement a été déclaré (33). Systématiquement.
Oui, Monsanto a financé des études pour évaluer la dangerosité de ses produits… et c’est normal puisque ça lui est demandé par les autorités sanitaires ! Normal même qu’ils réagissent après la décision du CIRC qui est un pur déni de science.
Non, aucun scientifique n’a découvert un effet cancérogène du glyphosate et a été payé par Monsanto pour le cacher. Les Monsanto papers ne démontrent absolument rien de tout cela, bien au contraire. Nous sommes dans le pur fantasme.
Enfin, les mises au point de l’EFSA (agence européenne) et du BfR (agence allemande) ont été limpides sur l’indépendance de leurs propres décisions (34, 35), pour le bien de tous.