Nous avons déjà observé par le passé la frénésie qui agite les opposants au glyphosate.
Sitôt le mille-feuilles argumentatif délesté d’un élément qui aura été démonté ou simplement décrédibilisé, ils en trouvent un autre dans une sarabande sans fin.
Ainsi, quand les objections contre le glyphosate en tant que matière active se sont affaiblies, M. Gilles-Éric Séralini et son équipe se sont lancés à corps perdu dans la thèse des adjuvants infiniment plus toxiques que la matière active – jusqu’à 10.000 fois !
Remarquez, c’est implicitement un brevet de bonne conduite pour le glyphosate.
Quand on sait qu’en plus, ces adjuvants ou leurs analogues se retrouvent dans des produits d’utilisation courante comme les détergents… qu’il en reste des traces sur les assiettes qui sortent du lave-vaisselle…
Marisol Touraine à la rescousse
L’année dernière, l’argument du « glyphosate classé cancérigène probable par le CIRC » (c’est la version la plus respectueuse des faits) a été malmené par la Réunion conjointe de la FAO et de l’OMS sur les résidus de pesticides (Joint FAO/WHO Meeting on Pesticide Residues – JMPR) à l’issue d’une session extraordinaire tenue du 9 au 13 mai 2016, à quelques jours d’un vote à Bruxelles. Mme Marisol Touraine, Ministre des Affaires Sociales et de la Santé, est alors montée au front, le mercredi 18 mai 2016, dans la Matinale de France Info, pour déclarer que :
… indépendamment des débats sur le caractère cancérigène ou non du glyphosate, nous considérons, et les études dont nous disposons montrent que c’est un perturbateur endocrinien.
Mensonge d’État avions nous écrit.
Patatras ! Il a été démonté dans le cadre de l’EFSA le 7 septembre 2017 (date de la publication).
Hulot n’arrange pas les choses
Mais les États membres de l’Union Européenne devront bientôt voter une nouvelle fois sur le sort du glyphosate et, par extension, de l’agriculture et de l’alimentation européennes.
On aurait pu penser que M. Nicolas Hulot, présentement ministre de la Transition Écologique et Solidaire, s’engagerait dans une désescalade, au moins verbale, après les propos qu’il avait tenus lors de la manifestation d’agriculteurs aux Champs-Élysées le 22 septembre 2017.
Eh bien non ! Le même jour, il déclarait à Ouest France :
Contre le glyphosate et son rôle de perturbateur endocrinien, et peut-être d’antibiotique surpuissant, il y a un faisceau de présomptions qui justifie d’appliquer le principe de précaution.
Attitude irresponsable
Le « rôle de perturbateur endocrinien » a été réfuté dans le cadre de l’EFSA comme on l’a vu ci-dessus. Mais, manifestement, M. Hulot fait fi de l’expertise organisée au niveau européen et incluant, répétons-le, des experts nationaux et pas seulement des agents de l’EFSA dont la mouvance contestataire clame sans discontinuer qu’ils sont « vendus ».
C’est une attitude irresponsable. Les pouvoirs politiques ont mis en place des mécanismes d’expertise leur permettant de fonder leurs décisions – qui engagent notre présent et notre avenir – sur l’état des connaissances ; ils peuvent bien sûr écarter les avis et recommandations et donner la priorité à d’autres considérations jugées plus importantes. Mais là, le ministre conteste implicitement l’autorité scientifique de l’EFSA et sape sa crédibilité.
Antibiotique surpuissant ?
Quant à l’« antibiotique surpuissant », c’est une nouvelle sensationnelle.
Certes, le glyphosate inhibe la voie biochimique du shikimate que l’on retrouve dans les bactéries – et même dans les protozoaires de l’embranchement des Apicomplexa, dont Toxoplasma gondii, et les Plasmodium agents de la malaria ; Monsanto a du reste obtenu un brevet pour l’utilisation du glyphosate pour lutter contre ces pathogènes en 2010.
Mais « surpuissant » ? On n’a par exemple rien vu du glyphosate comme remède antipaludique ; mais, peut-être, au lieu de faire de la recherche-développement, Monsanto utilise-t-il ses profits pour « acheter » les experts des agences d’évaluation et corrompre les décideurs politiques (ironie)…
Quelles présomptions ? Pourquoi appliquer le principe de précaution ?
On trouve bien de la littérature qui est à la science ce que le Canada Dry est à l’alcool, sur les propriétés antibiotiques du glyphosate, en particulier s’agissant du microbiote (autrefois : flore intestinale).
Mais les chercheurs militants (ou militants chercheurs) de triste réputation mondiale ne se sont pas précipités sur le sujet. C’est un signe qui ne trompe pas.
Quant à M. Hulot, on aimerait bien savoir d’où il tire son « faisceau de présomptions qui justifie d’appliquer le principe de précaution ».
Il n’a sans doute pas pris la mesure de la portée politique de sa déclaration, amplifiée par une prédiction funeste :
la justice et l’Histoire nous rattraperont.
Si on le croit, la nécessaire conséquence est qu’il met en cause l’inaction du gouvernement dont il est membre. Si on ne le croit pas… Ouest France le désigne aussi par : « l’ancien animateur de l’émission Ushuaïa ».
Un thème récurrent
M. Hulot a aussi plaidé pour
une agriculture qui soit intensive en emploi plutôt qu’en engrais et produits phytosanitaires.
C’est un thème récurrent, développé particulièrement par M. Marc Dufumier dans le cadre de la Fondation – ci-devant Nicolas Hulot – pour la Nature et l’Homme, dont il est un conseiller scientifique.
Mais il faut connaître les prémisses de cette utopie et prendre la mesure de ce que l’on souhaite imposer à la société et à l’économie françaises. L’action au sein d’un gouvernement a une autre dimension que l’activisme militant.
L’écologie punitive a aussi été au rendez-vous :
Nous devons nous inscrire dans un parcours de sortie le plus rapide possible des produits les plus dangereux. Sans contrainte, il n’y aura pas de créativité pour trouver des alternatives.
Il y a bien une limitation à une certaine catégorie de produits, mais le glyphosate n’en est pas ; au contraire, c’est une des substances qui a un profil toxicologique et écotoxicologiques parmi les plus favorables.
Cette déclaration ne témoigne pas seulement d’une incompréhension des réalités de l’agriculture et de la recherche, mais aussi d’un certain mépris pour l’Homme et son génie inventif.
Et d’un mépris encore plus grand pour les agriculteurs : punissons-les, privons-les de leurs outils de travail pour que d’autres en développent de nouveaux. D’autres comme les agrochimistes et biologistes – ah non ! Pas les agrochimistes.
Le compte n’est pas encore bon :
Il faut sortir du piège de la confrontation dogmatique […] et passer de l’émotion à la raison. En d’autres temps, j’ai entendu les mêmes controverses, par exemple sur l’amiante. Et on a assisté à des tragédies, en spectateurs.
Appeler à la raison avec un argument d’appel à l’émotion – et quel argument ! –, avouez que c’est très fort !—
NDLR : Et l'incompétence et l'inconséquence de nos Politiques sont encore plus fortes.