Le glyphosate est la matière active du désherbant Roundup découvert et mis sur le marché par Monsanto en 1975. Depuis la perte du brevet en 1991, de nombreux fabricants, notamment chinois, proposent des centaines de formulations à base de glyphosate.
Doté de performances herbicides exceptionnelles et d’un bon profil toxicologique, ce désherbant fut vite adopté par les agriculteurs malgré un prix de lancement élevé.
Son utilisation s’est fortement développée suite à une forte baisse du prix et à l’arrivée des PGM (plantes génétiquement modifiées) tolérantes au Roundup en 1996.
Depuis plus de 40 ans le glyphosate a rendu de grands services à l’agriculture sans créer de problème sanitaire ou environnemental sérieux.
Ce qui n’a pas empêché critiques et polémiques.
Du glyphosate a été retrouvé dans les eaux de certaines rivières.
C’est une réalité. Mais les teneurs détectées sont très inférieures au niveau de dangerosité, sa toxicité aiguë est très faible (inférieure à celle du sel de cuisine ou de l’aspirine) et sa dégradation rapide (y compris pour son métabolite Ampa).
L’utilisation du glyphosate provoque l’apparition de mauvaises herbes résistantes.
Les agriculteurs sont confrontés, depuis des décennies, à ce phénomène de chimiorésistance avec de nombreux herbicides, insecticides et fongicides mais seul le glyphosate suscite autant de réactions.
Pourtant, l’apparition de mauvaises herbes résistantes au glyphosate a été très lente, reste localisée, quasiment absente en France, et n’a pas freiné la progression des PGM tolérantes au Roundup dans le monde. Dans tous les cas, la cause réside dans l’utilisation trop répétée du même produit à l’instar des antibiotiques confrontés à l’apparition de bactéries résistantes.
Le glyphosate serait cancérogène !
Tel est l’avis du CIRC qui, dans un avis de mars 2015, a classé le glyphosate «cancérogène probable», opportunité immédiatement exploitée par les pourfendeurs de pesticides et d’OGM avec le relais complaisant de certains médias.
La réalité est bien différente :
– le CIRC se prononce sur le danger indépendamment de l’exposition qui définit le risque réel pour la population. Ainsi le glyphosate est classé « cancérogène probable » tout comme la viande rouge qui, elle, reste épargnée par la polémique.
– l’avis du CIRC a été immédiatement contesté par toutes les agences de sécurité sanitaire française (ANSES), européennes (EFSA, Echa) ou internationales y compris l’OMS maison mère du CIRC ! En mai 2016, suite à une session extraordinaire, les deux agences internationales FAO et OMS ont conclu que le glyphosate est « peu susceptible d’entraîner un risque de cancer chez l’Homme suite à une exposition via l’alimentation ».
– depuis quatre décennies le glyphosate a toujours été classé non cancérigène, non mutagène, non génotoxique. Récemment l’EFSA a confirmé que le glyphosate n’est pas un perturbateur endocrinien démentant les propos inconséquents du Ministre d’Etat Hulot.
Les agences sanitaires dans le collimateur !
Quand les avis scientifiques ne sont pas en phase avec les écolos, les experts sont aussitôt vilipendés. Les politiques cèdent aussi à ce travers. Ainsi, à propos du glyphosate, une mission sur « l’indépendance et l’objectivité des agences européennes » a été confiée au Président de l’OPECST, Cédric Villani, alors qu’un audit réalisé en 2012 par le cabinet Ernst & Young, suite aux attaques virulentes contre l’EFSA, avait conclu à l’indépendance et la transparence de cette agence.
Pourquoi cet acharnement sur le glyphosate ?
La première raison saute aux yeux : Roundup est un produit Monsanto, bouc émissaire des écolos et en le discréditant ils espèrent porter un coup fatal aux OGM, notamment aux PGM tolérantes à cet herbicide, les plus utilisées dans le monde.
Monsanto, en cours de rachat par Bayer au prix de 66 milliards de dollars, est la cible à abattre par tous les moyens alors que cette société innovante en agriculture et précurseur en sustainability (développement durable) a abandonné toute recherche dans le domaine de la chimie pour s’investir dans les semences et les technologies agricoles du futur.
Cette opération de diabolisation est parvenue à donner une image négative de Monsanto et de ses produits. Elle trouve un accueil favorable dans une population sensible à l’idéologie sécuritaire illustrée par un principe de précaution dévoyé, par le retour en grâce du naturel paré de toutes les vertus et par une méfiance des innovations technologiques surtout quand elles touchent à l’alimentation.
Dans ce contexte, même si leur choix va à l’encontre de l’intérêt du pays, les responsables politiques suivent l’opinion publique manipulée par des minorités militantes et de nombreux médias.
Ségolène contre les pesticides
Ségolène Royal s’était déjà manifestée, en fidèle relais des écolos, par son opposition aux OGM, aux pesticides et au Roundup qu’elle a jugé utile d’interdire à la vente dans les jardineries et les espaces ouverts au public.
La nomination de son successeur, le populaire écologiste Nicolas Hulot comme ministre de la Transition écologique et solidaire donne un poids exceptionnel à l’idéologie verte dans les décisions gouvernementales au point qu’il se permet d’intervenir à la place des ministres de l’Agriculture et de la Santé.
Sans mesurer les conséquences de sa décision et suivant docilement le ministre d’État Nicolas Hulot, le gouvernement s’est opposé au renouvellement de l’autorisation du glyphosate. Seule concession aux professionnels agricoles, une période de transition est prévue dans l’attente d’une très hypothétique solution de substitution.
Décision aberrante :
– allant, une fois encore, à l’encontre de l’avis de la Commission européenne laquelle s’appuie sur les recommandations scientifiques de l’EFSA,
– ignorant le consensus scientifique international sur l’innocuité du glyphosate et le retour d’expérience exceptionnel de plus de 40 années d’utilisation dans le monde,
– sans la moindre analyse bénéfices/risques ni évaluation de l’impact économique désastreux pour l’agriculture,
– rouvrant la voie aux solutions mécaniques et chimiques plus chères et préjudiciables à l’environnement et fermant l’essor indispensable des techniques de conservation des sols dont les bénéfices agronomiques et environnementaux sont enfin reconnus en France.
Guerre contre l’agriculture française
Les « États généraux de l’alimentation » pourront difficilement masquer le mauvais traitement infligé par les responsables politiques à l’agriculture française.
Est-il utile de rappeler qu’en 2009, le G8 avait classé l’agriculture prioritaire ?
Rétifs à l’innovation technologique, rares sont les politiques convaincus ou conscients, que le progrès agricole se joue essentiellement au niveau du sol et de la plante.
– le sol avec les techniques de conservation des sols (semis direct et couvert végétal en interculture) permettant d’améliorer la fertilité des terres agricoles, de lutter contre l’érosion et de réduire les émissions de CO2 en piégeant le carbone dans le sol,
– la plante, par l’amélioration génétique ouvrant la voie à des plantes plus résistantes aux insectes, virus, maladies, plus tolérantes à la sécheresse ou dotées de meilleures qualités nutritionnelles.
Dans le premier cas les agriculteurs ont besoin du glyphosate et dans le second des OGM.
La science plutôt que l’idéologie
Les agriculteurs français en seront privés au nom d’une écologie politicienne déconnectée de la réalité agricole, de la démarche scientifique, de l’intérêt économique du pays et d’une réelle protection de l’environnement.
En 2008, Barack Obama s’exprimait ainsi :
Il faut faire en sorte que les faits et les preuves ne soient pas déformés ou occultés par la politique ou l’idéologie. Il faut écouter ce que les scientifiques ont à nous dire, même si cela dérange, surtout si cela dérange.
_____________________________
- Gérard Kafadaroff est Ingénieur agronome, ancien cadre de l’agro-industrie, fondateur de l’AFBV (Association française des biotechnologies végétales), auteur de plusieurs livres dont le dernier « OGM : la peur française de l’innovation » préface Professeur M.Tubiana, ancien Président Académie de Médecine ; Editions Baudelaire.