D’ordinaire les membres du jury du Climathon s’en tiennent à un strict devoir de réserve, à la hauteur de l’importance de leur mission.
Aujourd’hui pourtant, Murps, membre historique du jury, estime nécessaire de nous narrer par le menu les exploits de l’un des compétiteurs à l’occasion de l’ouragan Irma.
Mesdames et Messieurs, c’est terrible ! Les climato-sceptiques sont partout !
Ils envahissent vos écrans, votre espace sonore, et insidieusement vos esprits faibles et malléables.
Leur présence au sein de notre société est le fruit d’une pensée rétrograde et réactionnaire, la conséquence d’une absence totale de culture écolo-consciente, le résultat d’un aveuglement capitalolibéral lui-même corollaire d’un égoïsme consumériste gonflé de beaufitude.
C’est très très grave.
Grave pour les petites plantes, grave pour les petites bêtes, grave pour Salif Sawadogo qui cultive du niébé au Burkina, grave pour le chat et la rhubarbe de ma belle mère normande et surtout très très grave pour toute la planète, oui toute la planète et je pèse mes mots.
Fort heureusement, nous disposons d’une arme secrète contre ces cochons de réactionnaires : nous avons les journalistes de Béaifhaimetévé.
Face à la déferlante de la propagande anti-climatique, pleine de raccourcis hasardeux, d’approximations fantaisistes et de discours irresponsables matraqués à toute heure du jour et de la nuit, face à la mauvaise foi, à la pseudo-science et à la manipulation politique, ces vaillants journalistes sont là, debout sous la mitraille, impassibles et héroïques défenseurs d’une cause délaissée par un public ignorant et borné. Ils veillent à défendre la démocratie en présentant les faits, rien que les faits.
La tâche est immense tant les soutiens sont faibles, voire inexistants.
Pensez : la classe politique entière, les institutions, les intellectuels, les puissances de l’argent ont capitulé en rase campagne devant le climatoscepticisme.
Les journalistes sont abandonnés. Les voilà contraints, tel Davy Crockett à Alamo, de soutenir seuls un siège désespéré face aux hordes de sceptiques déchaînés.
Par chance, la rédaction de Béaifhaimetévé possède une équipe remarquable menant une ligne éditoriale inflexible, nourrie aux mamelles sacrées du journalisme : vérifications des sources et pluralité de l’information.
On va donc voir ce qu’on va voir, nom de bleu !
C’est ainsi que, et dans le but de rétablir un équilibre médiatique fortement compromis par le pilonnage permanent pratiqué par les négationnistes du climat, ce mois de septembre a été l’occasion pour Béaifhaimetévé de remettre un peu d’expertise dans le réchauffement climatique, et accessoirement de visibilité aussi bien pour certains éclopés des dernières remaniements ministériels que pour certaines ONG en quête de financement.
Dimanche 10 septembre, par exemple, a été posée, entre la poire AMAP et le fromage bio dominical, la lancinante question qui nous interpelle tous : « Pourquoi la transition écologique est-elle si difficile ? »
Le débat piloté par Philippe Gaudin, un présentateur insolent aux questions dérangeantes, avait été soigneusement préparé, permettant ainsi à toutes les sensibilités sociales et politiques de s’exprimer avec des invités prestigieux, et surtout judicieusement choisis pour leurs compétences sur le sujet.
Mes amis, quel casting !
C’est notre Premier ministre Édouard Philippe en personne, lucide et pédagogue, qui ouvre le feu dans une interview.
Il assure être « convaincu de voir la marque que l’homme laisse sur son environnement et qui rend plus brutale et plus intense les phénomènes climatiques qui nous affectent« .
Voilà pour la science.
Corine Lepage, qu’on ne présente plus, embraye en direct sur le plateau en qualifiant les climatosceptiques de « criminels de l’humanité qui devront répondre de leurs actes« .
Ils n’ont qu’à bien se tenir, ces salauds.
Après un ministre expliquant la climatologie et une avocate humaniste qui veut envoyer en prison les dissidents, il était logique qu’un climatologue vienne donner un cours de comptabilité.
C’est l’inévitable Hervé le Treut qui s’en est chargé, expliquant, zen, que trouver les mille milliards d’euros nécessaires pour la transition énergétique est un « problème de temps« .
On ne saurait mieux dire.
C’est alors Jean-Louis Caffier, consultant environnement de EELV Béaifhaimetévé, qui se fait entendre.
Il faut défendre l’idée de progrès, lance-t-il, et ça tombe bien parce que les mille milliards de la transitude, ça c’est du progrès qui passe tout seul. Du progrès festif, en somme.
L’ami Jean-Louis sait bien de quoi il parle : il est cofondateur et président de l’association Climat Énergie Humanité Médias, fondée avec l’incontournable Jean-Marc Jancovici.
Le climat, l’humanité et l’énergie, donc, mais aussi le brassage de vent alimenté par l’argent du contribuable, ça le connaît.
La diversité des opinions a été pleinement respectée avec d’autres intervenants tels que Célia Gautier, salariée d’une ONG environnementale, et Cédric Ringenbach, spécialiste du changement climatique et directeur du think tank « The Shift Project » visant à décarboner l’économie.
Qu’on se le dise, cette brochette de bras cassés d’experts de haut niveau est unanime pour dire que :
– l’ouragan Irma, c’est la fautauréchauffement. Les autres ouragans on ne sait pas, mais celui-là, oui. C’est comme ça.
– il faut appliquer la loi de transitude énergétique pour la même raison : c’est comme ça. (On ajouterait : épissétout.) Un journaliste ça ne commente pas la loi, d’abord. Et ça appelle encore moins les invités à en débattre. Un journaliste ça applique la loi, et plus vite que ça, non mais oh.
– Donald Trump est un type inconséquent et surtout, son irresponsable de l’environnement, Scott Pruitt, eh bien il n’y connait rien du tout. Ni en environnement, ni en changement climatique, ni en transitude énergétique.
Et tout ça, c’est très très grave.
La rédaction de Béaifhaimetévé toute entière se doit donc d’être saluée pour porter ainsi le Climathon vers les sommets. La saison des ouragans dans l’Atlantique nord lui a permis de toucher au sublime : grâce à ses journalistes, on sait qu’Irma a été le plus terrifiant-et-sans-précédent ouragan que la Terre ait porté.
Que c’est à cause de l’Homme en général, et de Donald Trump en particulier. Parce que oui, ma bonne dame, rien qu’en six mois de présidence, sa politique a déjà réussi à nous détraquer le climat de nos bonnes îles.
Remarquez que c’est bien fait pour les climato-sceptiques qui habitent à Saint-Barth.