Nous entendons souvent dire que les humains exploitent voracement les ressources du monde et vivent au-delà des moyens que prodigue la Terre.
Pour le «jour du dépassement des capacités de la planète », des militants tels que le Global Footprint Network affirment que, à partir du 2 août, nous avons déjà épuisé les ressources naturelles de cette année et que la Terre passe maintenant en «dette écologique» pour le reste de 2017.
Depuis plus d’une décennie, le World Wildlife Fund (WWF) et d’autres organismes de l’environnement ont réalisé des calculs compliqués pour déterminer notre «empreinte écologique» globale de la planète.
L’épuisement des ressources
D’après leurs commentaires, l’augmentation des populations et des niveaux de vie impliquent que nous utilisons désormais 1,7 planète et que nous épuisons les ressources si rapidement que, d’ici 2030, nous aurions besoin de deux planètes pour nous perpétuer.
Si tout le monde devait soudainement atteindre le niveau de vie américain, nous aurions besoin de près de cinq planètes.
Le message est sans équivoque : le WWF nous dit que nous sommes confrontés à une imminente «crise du crédit écologique», en risquant «un effondrement à grande échelle de l’écosystème».
Mais cette peur est presque totalement fallacieuse.
La mesure de l’empreinte écologique tente d’évaluer nos besoins et de les comparer avec la quantité disponible sur Terre.
Ne pas simplifier
C’est un exercice utile, et comme toute mesure qui tente d’agréger de nombreux aspects du comportement humain, elle tend à en simplifier les données.
Certaines de ces simplifications sont valides. Il est clair que les routes, le développement du logement et la production alimentaire occupent tous un espace précieux sur notre planète.
Cette partie de l’empreinte écologique est une mesure pratique de notre trace sur Terre.
Mais les routes et le logement ne représentent que 3,8% d’après leurs derniers chiffres.
Et même la production alimentaire n’utilise qu’un tiers de toutes les terres productives.
De plus, comme une meilleure technologie permet des rendements toujours plus élevés, il est probable que cette superficie totale n’augmentera pas beaucoup et pourrait même diminuer avec le temps.
Des forêts et des prairies
Les zones utilisées par les forêts et les prairies présentent des simplifications moins évidentes.
La production de bois et de papier absorbe 16% de la superficie mondiale, mais représente moins de la moitié des forêts existantes dans le monde. Ces 16% suggèrent que la zone des forêts est en quelque sorte occupée et bloquée pour d’autres utilisations.
La vérité est que, pendant que les arbres grandissent, ils forment toujours de véritables forêts qui font partie de la beauté planétaire. Il en est de même avec les prairies, qui sont estimées à environ 9% de la superficie mondiale.
Les pêcheries sont encore moins intuitives, car les zones de pêche sont proches des zones terrestre. Alors que nous cherchons toujours une estimation de la surface nécessaire à une pêche durable pour chaque pays, on sait que le total actuel est de 5%, ce qui est relativement peu.
Une seule Terre est suffisante
Au total, toutes les zones quelque peu problématiques correspondent à 67% de la zone biologiquement productive de la planète. Ce qui ne semble pas poser de problème – une Terre est donc nettement suffisante.
Ce sont les émissions de CO₂ qui font que l’empreinte écologique dépasserait les terres disponibles. Manifestement, il n’est pas évident de traduire le CO₂ en zone terrestre.
Ainsi, pour calculer l’empreinte écologique il a été décidé de contourner ce problème en définissant la zone d’émissions de CO2 comme la zone de forêt nécessaire pour absorber le CO2 supplémentaire.
Ce facteur à lui seul représente 101% de la superficie planétaire et c’est la seule raison pour laquelle nous aurions soudain besoin de plus d’une planète.
Un message déraisonnable
Essentiellement, on nous dit que nous devrions réduire le CO₂ à zéro et planter des arbres pour y parvenir, ce qui signifie que nous devrions planter aujourd’hui des forêts dans toute la zone disponible de la planète. Comme nous en utilisons déjà 67% ils peuvent nous dire que nous sommes en train d’épuiser notre planète.
Mais ce message est manifestement déraisonnable.
Non seulement il est douteux que nous devrions réduire le CO₂ à zéro (bien que nous devions certainement le réduire significativement à long terme). Mais, choisir les forêts pour absorber le CO₂ est le moyen le plus inefficace pour réduire le CO₂.
L’évaluation classique constate que chaque année, chaque personne émet une tonne de CO₂, nous devrions planter 2000 m2 de forêts pour l’absorber. Mais si nous plantons des éoliennes ou des panneaux solaires à la place, nous n’avons besoin que de 30 m2 ou moins pour absorber une tonne de CO₂ émise.
Le talon d’Achille
Et nous n’aurions même pas besoin de les placer sur des terres biologiquement actives (nous pourrions placer les panneaux solaires sur les toits ou dans le désert et les éoliennes dans l’océan).
Soudain, les 101% tombent à moins de 2% – et peut-être même à zéro.
La littérature académique autour de l’empreinte écologique connait ce talon d’Achille depuis de nombreuses années.
L’un de ses défenseurs convaincus avait déclaré en 2002 que la définition de l’empreinte de CO₂ comme « une superficie de terrain nécessaire pour absorber le CO2 de la combustion de combustibles fossiles est considérée par la plupart des écologistes, dont nous-mêmes, comme difficile à défendre ».
C’est pourtant la base des articles académiques intitulés : «Pourquoi l’empreinte écologique est une mauvaise économie et une mauvaise science de l’environnement».
Une étude récente a révélé que « les mesures de l’empreinte écologique, telles qu’elles ont été habituellement construites et présentées, sont tellement trompeusesqu’elles empêchent leur utilisation dans une science sérieuse ou dans un contexte politique. »
Clairement nous utilisons moins d’une planète et pouvons regarder vers l’avenir
Et, avec une meilleure technologie agricole et renouvelable, l’exploitation va probablement diminuer.
Au lieu de paniquer les populations avec des prophéties d’empreintes insoutenables, nous devrions nous concentrer sur les problèmes à portée de main comme sortir des millions de personnes de la pauvreté tout en finançant les innovations qui élimineront les risques de pollution et rendront notre Terre plus productive.
De cette façon, nous nous assurerons qu’une seule Terre continuera à être suffisante pour nous tous.
Bjorn Lomborg est l’auteur de L’écologiste sceptique, 2004, éditions Le Cherche-Midi.
Traduction Contrepoints
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