Le détachement récent de l'iceberg géant du glacier Larsen C a fait les manchettes de l'ensemble des médias, qui, pour la plupart, ont immédiatement imputé cet événement au réchauffement climatique.
L'avis d'un spécialiste de la question qui a étudié sur place le glacier est beaucoup plus nuancé, et vous trouverez ci-dessous son appréciation sur le sujet. (1)
Dans une traduction "maison", comme d'habitude...
Bonne lecture !
Jo Moreau.
J'ai étudié Larsen C et son iceberg géant pendant des années - ce n'est pas une simple histoire de changement climatique
L'un des plus grands icebergs jamais enregistrés vient de se détacher du plateau de glace de Larsen C en Antarctique.
Au cours des dernières années, j'ai dirigé une équipe qui a étudié cette plate-forme de glace et surveillé son évolution.
Nous avons passé de nombreuses semaines à camper sur la glace en étudiant l'impact de la fonte en divers endroits - et à veiller à éviter les coups de soleil, merci à la mince couche d'ozone.
Notre approche principale, cependant, est d'utiliser les satellites pour surveiller les événements.
Nous avons été surpris par le niveau d'intérêt porté à ce qui peut être simplement un événement rare mais naturel.
Parce qu'en dépit des médias et de la fascination du public, la crevasse de Larsen et le «largage» des icebergs ne constitue pas une menace pour une élévation imminente du niveau de la mer, et tout lien avec le changement climatique est loin d'être évident.
Cet événement est cependant un épisode spectaculaire dans l'histoire récente des plates-formes de glace de l'Antarctique, impliquant des forces au-delà de l'échelle humaine, dans un endroit où peu d'entre nous ont été, et qui modifie fondamentalement la géographie de cette région.
Ces plates-formes de glace se forment à l'endroit où les glaciers rencontrent l'océan, et où le climat est assez froid pour soutenir la glace au fur et à mesure qu'elle se développe.
Situées principalement autour de l'Antarctique, ces plates-formes flottantes de glace de quelques centaines de mètres d'épaisseur forment des barrières naturelles qui ralentissent l'écoulement des glaciers dans l'océan et régulent ainsi l' élévation du niveau de la mer.
Dans un monde qui se réchauffe, les plates-formes de glace ont un intérêt scientifique particulier parce qu'elles sont susceptibles de provoquer à la fois un réchauffement atmosphérique au-dessus d'elles, et un réchauffement de l'océan en-dessous.
Dans les années 1890, Carl Anton Larsen, un explorateur norvégien, a navigué dans le sud de la péninsule antarctique, une branche de 1000 km de long du continent qui pointe vers l'Amérique du Sud.
Le long de la côte est, il découvrit l'immense plate-forme de glace qui prit son nom.
Pour le siècle suivant, la plate-forme, ou ce que nous savons maintenant être un ensemble de plates-formes distinctes - Larsen A, B, C et D - est resté assez stable.
Cependant, les largages soudains de Larsen A et B en 1995 et 2002, respectivement, et l' accélération continue des glaciers qui les ont alimentés, ont concentré l'intérêt scientifique sur leur voisin beaucoup plus vaste, Larsen C, la quatrième plus grande plate-forme de glace de l'Antarctique.
C'est pourquoi mes collègues et moi-même sommes partis en 2014 pour étudier le rôle de la fonte de surface sur la stabilité de cette plate-forme de glace.
Peu après le démarrage du projet, la découverte par notre collègue Daniela Jansen d' une faille croissant rapidement à travers Larsen C nous a immédiatement fourni un phénomène important à étudier.
La nature au travail.
Le développement des fissures et le largage des icebergs fait partie du cycle naturel d'une plate-forme de glace.
Ce qui rend cet iceberg inhabituel est sa taille - environ 5 800 km², ce qui est la taille d'un petit état américain.
Il est également envisageable que ce qui reste de Larsen C sera susceptible de subir le même sort que Larsen B, soit s'effondrer presque entièrement.
Notre travail a mis en évidence des similitudes importantes entre le comportement antérieur de Larsen B et le développement actuel de Larsen C, dont nous avons montré que la stabilité pouvait être compromise. D'autres, cependant, sont confiants dans la stabilité future de Larsen C .
Ce qui n'est pas contesté par les scientifiques, ce sont les nombreuses années d'observation qui seront nécessaires pour savoir ce que deviendra le reste de Larsen C, qui commence à s'adapter à sa nouvelle forme, et comme l'iceberg, glisse progressivement et se désagrège .
Il n'y aura certainement aucun effondrement imminent et, sans aucun doute, aucun effet direct sur le niveau de la mer parce que l'iceberg flotte déjà qu'il déplace son propre poids dans l'eau de mer.
Cela signifie que, malgré de nombreuses spéculations , il faudra observer pendant des années en quoi le comportement de la glace de Larsen C contribuera de manière significative à l'élévation du niveau de la mer.
En 1995, Larsen B a connu un largage semblable .
Cependant, il a fallu encore sept ans d'érosion graduelle de la glace avant que la plate-forme devienne suffisamment instable pour s'effondrer, et les glaciers retenus par elle ont pu accélérer leur glissement, et même alors la fonte de la glace de surface peut avoir influencé le processus d'
effondrement.
Même si dans de nombreuses années la partie restante de Larsen C devait éventuellement s'effondrer , la hausse potentielle du niveau de la mer sera assez modeste. Le total, même après des décennies, sera probablement inférieur à un centimètre.
Est-ce un signal de changement climatique ?
Cet événement a également été largement imputé au changement climatique, mais de façon trop simpliste.
Cela n'est pas surprenant car les changements notables dans les glaciers et les calottes glaciaires sont normalement associés à la hausse des températures environnementales.
Les effondrements de Larsen A et B ont précédemment été liés au réchauffement régional, et le largage de Larsen C constitue un record remontant à plus de cent ans.
Cependant, dans les images satellitaires des années 1980, la faille était déjà clairement un fait établi de longue date, et il n'existe aucune preuve directe qui permette d'imputer sa croissance récente au réchauffement climatique atmosphérique, celui-ci n'influençant pas assez profondément la couche de glace, ou au réchauffement de l'océan, qui est une source de modification improbable étant donné qu'une grande partie de Larsen C s'est récemment épaissie.
Il est probablement trop tôt pour imputer directement cet événement au changement climatique généré par l'homme.
Adrian Luckman- PhD - Professeur de glaciologie et de télédétection - Université de Swansea - Expert en observations par satellites.
(1) https://theconversation.com/ive-studied-larsen-c-and-its-giant-iceberg-for-years-its-not-a-simple-story-of-climate-change-80529
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