Les dérangements du temps
En 2010 est paru chez Plon l’ouvrage d’Emmanuel Garnier, Les Dérangements du temps, 500 ans de chaud et de froid en Europe un ouvrage de 250 pages rédigé par un historien agrégé d'histoire et maître de conférences, chercheur au sein du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (UMR CEA-CNRS, Saclay) et du CRHQ, UMR CNRS-Université de Caen.
Emmanuel Garnier intervient comme responsable ou collaborateur de plusieurs programmes nationaux pour le GIS «Climat-Environnement-Société», le CNRS et le ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire. Il sait de quoi il parle, et en historien responsable tente de nous éclairer sur l'histoire de notre climat à la lumière de multiples archives publiques, privées, laïques ou religieuses…
En couverture de ce livre la présentation qui en est faite devrait être apprise par cœur par tous les acteurs politiques et l’entourage de François Hollande, récité à chaque conseil des Ministres, lu en début de chaque trimestre dans tous nos collèges et lycées, et imposé à tous les journalistes français. Je rêve, bien sûr ! Chaque ouragan, tempête, inondation, sécheresse, température hors de la moyenne, chaque événement météorologique susceptible d'être mis en exergue nous est asséné à longueur de temps pour tenter de nous convaincre qu'on n'a jamais vu cela. Et donc que nous avons certainement une part de responsabilité dans tout cela. Mais l'historien nous montre que cette attitude est une constante historique. De tout temps on s'est méfié du temps…
L'éternel recommencement ?
Que nous explique Emmanuel Garnier ?
Il écrit ceci au dos de son ouvrage et j'ai mis en exergue les éléments de réflexion qui nous sont en permanence passés sous silence :
La certitude qu'ont nos contemporains de vivre un « changement » climatique ne date pas d'aujourd'hui. Tiré d'archives inédites, le présent ouvrage souhaite offrir une autre réalité des fluctuations climatiques et des perceptions que celle que les Européens en ont eue au cours des 500 dernières années.
La première constatation concerne le caractère neuf du réchauffement observé depuis 30 ans. La réponse de l'historien est sans appel. Bien avant le Global Warning, nos ancêtres connurent des épisodes parfois très chaudsdont l'intensité fit reculer les glaciers alpins à des niveaux inférieurs à ceux d'aujourd'hui.
Plus tard, au beau milieu du fameux Petit âge glaciaire, l'Europe fut même confrontée à de véritables ... vagues de chaleurs doublées de sécheressesmettant en péril la survie des populations.
L'histoire ne serait-elle alors qu'un éternel recommencement ?
Si la réponse apparaît difficile à formuler en matière de climat, il est en revanche certain que les événements extrêmes qui focalisent tant l'attention de l'opinion publique aujourd'hui faisaient déjà partie du quotidien des sociétés anciennes. La sévérité des catastrophes observées sur cinq siècles démontre qu'elles n'eurent rien à envier à nos désastres récents.
Confrontées à l'adversité climatique, nos sociétés, croit-on, passent d'une interprétation religieuse, avec son cortège de processions, à une sécularisation du fait météorologique dans le sillage de la pensée rationaliste et de l'intervention croissante des Etats.
Une nouvelle fois, le verdict de l'histoire détonne et étonne. La notion d'Etat providence mérite une réinterprétation totale quand les archives révèlent, dès le XVIIIe siècle, les premières mesures d'indemnisation massive au profit des sinistrés ou encore la mobilisation mise en œuvre par les monarchies européennes en faveur des régions victimes des caprices de la nature.
D'une actualité « brûlante », cet ouvrage ne prétend pas livrer un nouveau récit linéaire accumulant des événements mais plutôt répondre, à l'aune de recherches récentes, à des questions concrètes que les scientifiques mais plus encore nos concitoyens et les médias se posent.
Merci à Emmanuel Garnier pour cet éclairage et ce qu'il révèle de notre passé climatique, monstrueusement passé sous silence par l'ensemble des media. Comme dit le proverbe, hélas, nul n'est prophète en son pays.
Par Jean Michel REBOUL