Nouvel épisode dans l’hystérie anti-moderniste française, la peur des robots
Chaque fois que je présente les récents développements en matière de science et technique dans un cours d’innovation, et quelle que soit l’audience, la première réaction de celle-ci est toujours celle de l’inquiétude.
Les promesses de la biologie synthétique ? On va nous fabriquer des Frankenstein.
Les miracles de l’informatique ? C’est Big Brother.
Les développements incroyables de la robotique ? Ils vont nous piquer nos emplois.
Quid des robots ?
Les progrès récents de la robotique couplée à l’intelligence artificielle sont très rapides et font légitimement penser que de nombreux métiers seront à terme plus ou moins automatisés, et cela ne va pas sans traumatisme.
Il existe toujours une substitution en matière de travail et de capital avec ses impacts sur l’économie.
Lorsqu’une filature s’automatise, il y a trois impacts :
Elle abaisse ses coûts, ce qui lui permet de vendre ses produits moins chers. Cela bénéficie donc aux consommateurs. Les progrès humains des deux derniers siècles sont au moins autant dus aux inventions scientifiques qu’à la baisse considérable des coûts des produits qu’elles ont permises. Cet aspect essentiel de la démocratisation des produits n’avait pas échappé à Schumpeter.
Elle emploie moins de travailleurs, ce qui les rend disponibles pour d’autres industries.
Elle achète des machines, ce qui alimente la croissance du secteur de la machine-outil (et de la robotique).
Une économie sans croissance ne sait quoi faire des travailleurs « libérés » qui au chômage
C’est un problème français car l’Allemagne qui a deux fois plus de robots que la France a un taux de chômage pourtant deux fois inférieur.
Mais les deux autres impacts restent importants, et potentiellement plus importants que celui-ci.
En tout état de cause, la clé pour cette transition est l’émergence de nouvelles industries et de nouveaux marchés.
Mais il y a un quatrième impact qui n’est que rarement mentionné et qui pourtant est fondamental : c’est que l’innovation permet la création de nouveaux marchés.
Prenez l’exemple de l’automobile
Elle a mis les maréchaux ferrants au chômage, mais elle a créé un nombre incroyable de métiers et de marchés : chauffeur de taxi, location de voiture, station essences, assureurs, équipementiers, constructeurs de routes, auto-écoles, coureurs automobiles, campings, fabricants d’auto-radio, parkings payants, etc.
De même Internet a créé les webmasters, les sociétés spécialisées en optimisation de moteurs de recherche, les designers web, les spécialistes du big data, et nombre d’autres.
Une innovation génère d’autres innovations en cascades qui sont autant d’opportunités économiques et sociales qui changent notre société et créent de l’emploi : l’économiste Tyler Cowen indique ainsi que pour faire voler un drone (avion sans pilote embarqué), il faut 168 hommes au sol, que l’armée US a du mal à recruter car les compétences sont nouvelles, alors qu’il n’en faut que 100 pour un chasseur F16 avec pilote.
Il ne faut donc pas commettre l’erreur de raisonner à propos de l’impact des robots sur notre économie en imaginant celle-ci est immuable, en utilisant le terme horriblement trompeur des économistes « toutes choses étant égales par ailleurs ».
Car les choses ne sont jamais égales par ailleurs.
Les robots, comme toute innovation, vont permettre de créer des marchés inimaginables aujourd’hui, et ce sont ces marchés qui créeront de l’emploi
Lesquels ? Je ne sais pas. Mais des milliers d’entrepreneurs sont déjà en train de travailler sur la question pendant que nous pleurons. Faites l’exercice et essayer d’imaginer ces nouveaux marchés.
Ça vous semble impossible ? Ridicule ? Sachez que chaque génération a été incapable d’imaginer l’impact économique et social des inventions de son époque.
Le téléphone était un gadget. Le train un danger. Le phonographe servirait à écrire des lettres dictées. Le laser un gadget scientifique inutile (laser à rien !). Etc.
À moins de souscrire à une vue malthusienne de l’économie, fausse depuis 200 ans, et à l’idée également fausse selon laquelle nous avons atteint les limites de la croissance, c’est en tout cas sur cela qu’il faut miser : la capacité d’imagination de l’homme, sa seule vraie ressource, et inépuisable celle-ci.
Voir sur le même sujet l’article bienvenu de Robin Rivaton: L’offensive des roboptimistes. Sur la démocratisation des produits permise par l’innovation, lire mon article Le low-cost c’est le coeur du capitalisme. Sur Malthus, lire mon article « 200 après Malthus a toujours tort: vers une société d’abondance durable. » Sur le marché de l’emploi du futur, voir le livre « Average is over » de Tyler Cowen.
Par Philippe Silberzahn.