Pourquoi des millions de jeunes racontent leur journée sous forme de mini clips ?
Quel est l'intérêt d'envoyer des images d'une durée de vie de quelques secondes ? Décryptage de l'application star des ados.
C'est la coqueluche des cours de récréation et des soirées étudiantes. Snapchat est le phénomène social du moment. Créée par deux étudiants de Stanford en 2011, cette application de partage de photos et de vidéos avec ses amis, compte 100 millions d'utilisateurs actifs chaque mois, dont 70% de femmes.
Chaque jour, ce sont 400 millions de « snaps » qui sont ainsi envoyés sur mobile.
L'application de la génération « selfie »
Ce succès fulgurant, l'application le doit clairement aux jeunes.
71% de ses utilisateurs ont moins de 25 ans. C'est l'application de la génération « selfie » : rien de plus efficace pour prendre une photo et la partager à un groupe d'amis.
Les photos ne sont pas "conservées"
Mieux, l'application répond à un énorme défaut des réseaux sociaux, Facebook en tête, à savoir la conservation des messages.
Avec Snapchat, pas de danger de voir ses parents, ou de futurs employeurs, tomber un jour sur des photos de beuverie, ou une « ex » diffuser des sextos après une dispute...
A chaque partage, l'utilisateur définit la durée de visionnage de la photo ou de la vidéo sur l'écran de ses interlocuteurs. Une fois ce temps écoulé, celle-ci s'efface définitivement.
Elles ne seront pas vues par n'importe qui
Contrairement à d'autres messageries, Snapchat garantit que le destinataire sera parfaitement concentré sur le visionnage. En effet, il faut garder son doigt appuyé sur la photo ou la vidéo pour la voir. Si on la relâche, elle se masque. Et comme il n'y a qu'un maximum de dix secondes pour afficher le message, cela oblige à se mettre dans les meilleures dispositions d'esprit lors du visionnage.
C'est ce mode de fonctionnement unique qui explique le succès de Snapchat.
Le snap succède au SMS, en perte de vitesse
Emilie Ogez, formatrice et conférencière en médias sociaux n'a pu que constater la montée en puissance de l'application chez ses étudiants : « Il y a à peine un an, ils connaissaient Snapchat mais "sans plus".
Cette année, beaucoup d'entre eux ont levé la main lorsque je leur ai demandé s'ils avaient un compte. Et l'un de leur principal réflexe était d'ajouter leur identifiant Snapchat dans leur profil Twitter. » Car, outre les qualités de l'application elle-même, le succès de Snapchat est avant tout un phénomène viral.
Jusqu'alors accros aux SMS, les jeunes se sont tournés vers un média plus riche : la photo annotée.
Avec Snapchat, la photo peut être annotée en plaçant du texte ou encore en dessinant du bout du doigt. Tout aussi efficace que le SMS, mais avec l'image en plus. Les concepteurs de Snapchat ne s'y sont pas trompés : pour séduire les accros du SMS, les fonctions de l'application restent totalement simplistes.
Ce passage à l'image après le SMS correspond à une tendance de fond, comme le souligne Frédéric Cavazza sur son blog Mediassociaux.fr. Les contenus visuels deviennent de plus en plus prédominants sur les réseaux sociaux, au détriment des contenus textuels.
Snapchat a ringardisé Facebook, il défie Twitter
A cela s'ajoute un autre phénomène. Pour les jeunes, Facebook est devenu infréquentable depuis que leurs parents, leurs profs s'y sont inscrits à leur tour.
A l'opposé, Snapchat reste une plateforme 100% mobile où les parents sont absents et où ils n'ont pas accès aux contenus publiés par leur progéniture.
En parallèle, la petite application s'affirme et monte en puissance.
Sa fonction Stories permet aux utilisateurs de s'abonner aux publications d'autres membres, les photos et vidéos documentant sa journée restent ainsi visibles à tous pendant 24 heures.
Devenir un canal d'information privilégié pour la jeune génération qui regarde moins la télévision et les journaux. A terme, des mini-séries pourront voir le jour dans les chaînes Discover.
L'effet de mode porte encore la croissance de Snapchat
Avec le succès de Snapchat viennent aussi les premières controverses. La protection de la vie privée par exemple. « Les jeunes se sentent à l'abri parce que les images ne s'affichent que quelques secondes, explique Emilie Ogez, Mais quel que soit l'outil et les effets d'annonce, il faut rester vigilant. Rien ne disparaît vraiment avec Internet. »