Que cache la violente hostilité exprimée à l’endroit des opinions sceptiques sur le réchauffement climatique ?
Par Gabriel Lacoste.
Je ne connais ni la climatologie, ni la biologie, ni la géologie, ni la physique. Je me méfie des alarmistes qui me demandent de modifier ma consommation pour éviter un réchauffement climatique. Suis-je autorisé à douter d’eux ? Lorsque j’exprime mon opinion, je croise le fer avec des gens qui m’insultent en ajoutant que je ne suis pas habilité à en avoir une en la matière. Ils ne m’autorisent donc pas à juger de cette question. Ensuite, ils citent les conclusions de ceux qu’ils estiment l’être.
Qu’est-ce qui se passe ? Je ne m’y connais pas en atmosphère remplie de particules, mais je m’y connais en situation sociale. L’enjeu est l’établissement d’un rapport autoritaire entre nous. Lorsqu’un lecteur de récits alarmants me traite d’imbécile en se réclamant de la science, il cherche à établir son autorité sur moi. La discussion qui s’ensuit détermine si je lui reconnais ce rôle ou si je le conteste. Le dérapage verbal qui s’ensuit vise à vaincre ma résistance par de l’intimidation verbale ou à me marginaliser auprès d’une audience.
Méditons là-dessus.
Le flair
Le savoir ne justifie pas à lui seul une subordination. Un conseiller financier voit que je manipule mon argent de façon imprudente. Il ne peut pas prendre le contrôle de mon compte en banque simplement parce qu’il en sait plus que moi. Il doit d’abord m’inspirer confiance, puis obtenir mon consentement. Il devient une autorité parce que je l’ai autorisé à le devenir, mais je conserve le dernier mot.
Mes patterns de confiance ou de méfiance suivent une logique. La personne qui m’explique calmement son offre de façon courtoise en m’expliquant les clauses de notre contrat, en écoutant mes besoins, en répondant sans détour à mes questions, puis en m’offrant des garanties m’apparaît digne d’un accord. À l’inverse, la personne qui parle vaguement, ne s’engage à rien, stimule ma culpabilité, me traite de noms, brandit une longue bibliographie, m’humilie auprès des passants, puis m‘affirme qu’un autre paiera la note mérite que je décline son offre. Nous appelons cela le flair.
Lorsque nous sommes des millions rivés devant nos écrans ou dans une salle de classe à entendre des messages effrayants venant d’une tour lointaine peuplée de chercheurs, nous sommes dans une situation comparable. Des gens, souvent financés par le pouvoir, viennent nous demander d’effectuer des sacrifices en conséquence. Ceux qui ont peur du réchauffement de la planète sont dans le lot. Contrairement au conseiller financier, ils s’expriment à des foules plutôt qu’à chacun de nous isolément, mais les deux nous proposent d’accepter un coût pour en prévenir un plus grand en prétendant le voir venir mieux que nous.
Suis-je autorisé à en douter ?
Autant qu’envers n’importe quel vendeur d’assurances qui cogne à ma porte. Mon ignorance ne m’enlève pas ce droit. Contre-vérifier les dires de n’importe quel marchand de peurs me demande de nombreux sacrifices. Si j’adoptais comme règle d’étudier sérieusement tous propos effrayants avant d’en douter, puis d’obéir à celui qui la formule dans le cas contraire, je serais la parfaite victime des fraudeurs. Le climat, la vie après la mort, les maladies liées à mon alimentation, la présence de criminel dans mon voisinage, Monsanto, l’existence d’une conspiration franc-maçonnique ou extra-terrestre sont tous des thèmes qui peuvent me motiver à fouiller dans des livres. Cependant, si je veux faire autre chose de ma vie, je dois choisir mes chevaux de bataille. Si je ne veux pas être dupe pour le reste, je dois décider rapidement si je vais obéir à quelqu’un qui prétend le faire pour moi ou simplement m’en foutre. Dans un contexte social, le climatologue agit envers moi comme une telle personne.
Bien sûr, je peux douter raisonnablement de lui ou simplement être un fou furieux qui refuse de voir la réalité. C’est pourquoi j’ai donné préalablement comme exemples certaines règles qui régissent la confiance et la méfiance. Telles sont les stratégies qui encadreront mon doute dans les limites de la sagesse.
Mon contexte
J’occupe une position particulière dans ce débat. Je ne peux y réfléchir d’un point de vue divin. Pour en parler de façon authentique, je dois donc vous parler de moi. Pourquoi je me méfie des alarmistes qui invoquent la climatologie ? Pas pour des raisons scientifiques, mais pour des raisons pragmatiques. Je veux vivre ma vie. Cette science m’ennuie. M’en informer est éprouvant. Je préfère lire autre chose, puis passer du temps avec ma copine et mes amis en faisant un peu de sport, de musique, de plein air et des voyages. Cependant, des gens s’agitent pour me commander des sacrifices et contrôler mes choix. Ils veulent réduire ma consommation d’essence, même si cela implique d’en hausser les coûts. Je ne peux donc pas les laisser faire sans réagir, car je ne veux pas me faire avoir. J’use donc de critères rapides basés sur mon flair pour évaluer si je dois leur faire confiance, puis je les communique en public (car ce choix se présente malheureusement à moi sous une forme collective). Je n’agis pas scientifiquement, mais j’entre en relation.
J’ai beaucoup de raisons de douter du discours alarmiste.
J’observe à mon endroit les signes d’une manipulation intellectuelle
Lorsque je m’exprime, je me fais traiter de créationniste, d’ignorant, de négationniste, d’égoïste à courte vue. Mon interlocuteur tend à hausser la voix, à crisper la mâchoire, à serrer les poings. Il déforme mon propos devant un auditoire en m’étiquetant de « néo-libéral d’extrême-droite ». Il en appelle aux opinions hostiles de la foule comme argument, puis me cite des auteurs sans m’en exprimer ce qu’il en comprend. Je lis les journaux, puis je détecte chez les représentants écologistes un enchaînement de corrélations statistiques abstraites. Ils m’assurent ne pas menacer mes choix, mais seulement ceux d’une minorité vivant dans le luxe. Ils ne croient pas pouvoir nous convaincre individuellement de les suivre, mais se tournent vers des instruments de contrôle pour y parvenir. De plus, ils qualifient la science d’ouverte à la remise en question, puis proclament l’instant d’après qu’elle conclut des choses de façon certaine, en accusant leurs opposants d’être malhonnêtes.
Mon flair m’indique qu’il y a anguille sous roche.
Fort de ces observations, je suis allé lire The Politically Incorrect Guide to Global Warming and Environnementalism de C. C. Horner, puis les textes de Contrepoints qui résument une argumentation climato-sceptique. J’y ai reconnu une analyse approfondissant mes intuitions concernant la dimension antisociale du mouvement alarmiste, en plus d’y voir un support scientifique à mon scepticisme. Je n’en ferai pas ici le résumé. Tel n’est pas le but de mon propos. L’essentiel à en comprendre, c’est que, de ma situation, cette démarche constitue le rationnel de mon doute jusqu’à aujourd’hui.
Si vous lisez ce texte et êtes un alarmiste, vous pouvez persévérer à croire que ma démarche est insuffisante pour m’autoriser à douter de vous. Au fond, C. C. Horner et Contrepoints forment peut-être, selon votre perspective, un regroupement de cancres. Si je les utilise comme seules sources, vous allez en conclure que je le suis également. Je vous conseille la prudence. Lorsqu’une personne regarde un arbre, elle peut s’éblouir des mouvements subtils de l’écorce et y voir un grand danger. Cependant, elle risque aussi de perdre de vue la forêt et surtout ceux qui y circulent. Notre scientifique de laboratoire est susceptible de commettre la même erreur. Il est peut-être génial devant son microscope, mais idiot question relations humaines. Son incompétence en la matière le prive de toute communication nécessaire à informer la portée et la signification de ses gestes.
L’hostilité qu’il observe sur une partie de ses auditeurs est alors le fruit de sa lacune relationnelle et non de leur stupidité
Ce principe est fondamental autant en vente qu’en éducation, puis en relation d’aide.
Mon argumentation vise principalement à vous montrer comment je suis face à vous dans une situation similaire à celui qui décline l’offre d’un vendeur d’assurance louche. Tel est le contexte social qui anime notre opposition. Dans ce cadre, mon doute est non seulement raisonnable, mais sage. Jusqu’à maintenant, vous consacrer plus de temps ou vous obéir représente à mes yeux un risque qui n’en vaut pas la peine. Si vous avez des preuves incontestables de mon imprudence, ce n’est pas à moi de vous étudier plus, mais à vous de parfaire vos stratégies de relations publiques. Vous voir aux côtés du pouvoir et d’une bande d’activistes immatures qui l’idolâtrent m’inspire de la méfiance et je soupçonne en lisant ici de nombreuses personnes que je ne suis pas le seul.
Le respect
L’argument ultime pour taire les résistances d’une foule consiste à la sermonner. Je mets en danger la vie des générations futures. La liberté de l’un s’arrête où celle de l’autre commence et donc une autorité a le droit de forcer ma volonté pour protéger l’intégrité des gens qui n’ont pas encore voix au chapitre.
Ce raisonnement est non seulement une stratégie de communication incompétente, mais il a quelque chose de vicieux. Il suppose que le jugement de cette autorité est supérieur au mien. Or, je ne suis pas un mouton, mais une personne. J’ai mes doutes. Consommer de l’essence apparaît à certains dangereux, mais remettre notre libre-arbitre entre les mains d’une institution centrale qui interprète pour nous le bien et le mal, puis nous frustre en conséquence représente aussi un risque énorme pour nous et les générations futures.
La morale existe entre des êtres humains relativement égaux et non entre des surhommes munis de facultés divines et des sous-hommes imbéciles. Or, nous sommes égaux surtout en ignorance. Nous ne pouvons pas accepter comme règle que certains se proclament plus savants que nous autres, puis nous commandent en agitant une peur terrible sans prendre le risque d’humilier ainsi notre dignité pour une très mauvaise raison.
J’ai appris de Kant une sagesse
Pour respecter les autres, nous devons supposer en eux l’existence d’une bonne volonté. Prétendre que tous les automobilistes sont des égoïstes insouciants du sort de leurs petits-enfants et en conclure par conséquent que nous sommes autorisés à les y forcer viole cette règle et suppose qu’un petit groupe de gens moraux peuvent diriger une masse complètement vile. Si vous en arrivez-là, c’est peut-être que la communication de votre opinion et ses fondations, ainsi que votre vertu méritent encore d’être améliorées. Vous en êtes capable. Je me trompe peut-être, mais s’il y a encore une place pour le respect entre nous, nous devons le supposer. Et si respecter les autres entraînait la fin du monde ? Tant pis. Je ne cesserai pas d’être une personne simplement pour calmer vos peurs ou satisfaire votre désir de jouer les héros sur le devant de la scène. Je suis une fin en soi et non un simple moyen à votre disposition.