L'allongement continu de l'espérance de vie est le principal bouleversement que connait l'espèce humaine depuis qu'elle existe.
Quelque chose que la nature n'avait certainement pas programmé. Et nous sommes incapables d'en mesurer toutes les conséquences.
Pendant des millénaires et des millénaires, l’anthropologie repousse sans cesse l’origine de l’homme, l’espérance de vie de l’espèce humaine a été courte. Le petit nombre qui avait la chance de vieillir pouvait considérer être béni des Dieux. Atteindre 40 ans était une réussite.
Mais depuis le milieu du 19ème siècle, l’humanité a connu le plus grand bouleversement depuis qu’elle existe explique dans une longue analyse le site The Atlantic.
Depuis 1840 environ dans les pays alors en voie d’industrialisation, l’espérance de vie à la naissance a augmenté à un rythme presque constant de trois mois pas an... un an tous les quatre ans.
En 1840, l’espérance de vie à la naissance en Suède, un pays où les statistiques de mortalité sont fiables et complètes, était de 45 ans pour les femmes. Elle est de 83 ans aujourd’hui.
Les autres pays européens ont connu à peu près la même évolution. Aux Etats-Unis, au début du XXème siècle, l’espérance de vie à la naissance était de 47 ans. Elle est aujourd’hui de 79 ans. Et si la tendance qui existe depuis un siècle et demi se poursuit, l’espérance de vie aux Etats-Unis et en Europe atteindra 90 ans au milieu du XXIème siècle et 100 ans à la fin de ce siècle.
Le plus étonnant est que l’allongement de l’espérance de vie semble avec le recul être une tendance presque indépendante de tout événement spécifique. Il ne s’est pas accéléré avec la diffusion massive des antibiotiques et des vaccins. Il n’a pas vraiment reculé durant les guerres et les épidémies.
Un graphique de l’espérance de vie s’apparente à un escalateur qui monte doucement. La tendance est devenue la même la plupart du temps pour toutes les nations, riches ou pauvres. Le monde entier prend le même escalateur. Avec quelles conséquences sociales, économiques, culturelles?
Cette question se pose d'autant plus que des découvertes médicales possibles dans les prochaines années et décennies, notamment pour ralentir le vieillissement des organes et des cellules et la thérapie génique, pourraient accélérer l’allongement de l’espérance de vie. Être centenaire pourrait devenir rapidement la norme.
Et cela aura des conséquences sociétales considérables qu’il est difficile aujourd’hui de mesurer. Les systèmes sociaux, de santé, de retraite deviendraient intenables à moins de totalement les transformer.
Si vivre plus longtemps signifie vivre plus longtemps affaibli et malade et à la charge de la collectivité, les jeunes générations supporteront un poids financier démesuré.
L’histoire sera évidemment totalement différente si le ralentissement par voie médicale du vieillissement permet aux hommes et aux femmes âgés de rester socialement et économiquement actifs.
L’allongement presque inéluctable de l’espérance de vie nous mène vers l’inconnu, sur le plan de la société humaine et la nature. Felipe Sierra, chercheur au National Institute on Aging résume cela ainsi: «la croyance éthique humaine selon laquelle la mort doit être retardée le plus longtemps possible n’existe pas dans la nature. Nous sommes aujourd’hui en train de nous en éloigner».