Facebook a complètement changé notre façon de communiquer. Jusqu'à modifier le fonctionnement de notre cerveau, ce que révèlent les neurosciences, par Sébastien Bohler
Une personne sur six
Aujourd'hui dans le monde est un utilisateur de Facebook, presque une sur deux en France. En moins de dix ans, ce réseau social a totalement modifié nos usages et notre façon d'interagir. Étudiants, mais aussi jeunes actifs ou seniors, consacrent plusieurs heures par semaine à mettre à jour leur présentation, maintenir des contacts avec des êtres chers malgré la distance, communiquer avec des groupes d'utilisateurs, rechercher des emplois ou observer le succès des autres. Quand plus d'un milliard de personnes basculent progressivement d'un mode relationnel traditionnel (le face-à-face réel) à un mode virtuel modulable (images, symboles, liens vers d'autres personnes, d'autres sites), quel impact cela a-t-il sur le fonctionnement de notre cerveau ?
Quel effet sur nos neurones ?
Les neuroscientifiques commencent à s'intéresser aux effets des réseaux sociaux sur nos neurones. Dar Meshi, à l'Université de Berlin, est un de ceux qui ont étudié l'impact de Facebook au niveau cérébral. Avec ses collègues, il a observé l'activité cérébrale d'utilisateurs plus ou moins assidus de Facebook, et a constaté qu'une zone du cerveau, le noyau accumbens, est particulièrement active chez les gros utilisateurs deFacebook. Cette zone se comporte comme un « comparateur social » : elle est sensible aux situations où l'on obtient de meilleurs résultats (par exemple, lors d'un examen) que les autres. D. Meshi a constaté qu'elle est d'autant plus active que les sujets sont de grands utilisateurs de Facebook. Ainsi, nous aurions dans notre cerveau un module de comparaison sociale d'autant plus développé que nous nous connectons souvent surFacebook.
Rappelons ce qu'est la comparaison sociale
Ce concept date des années 1950 et est à l'œuvre dans la plupart des situations de la vie. Nous faisons de la comparaison sociale lorsque nous nous demandons si le voisin a une plus grosse voiture que la nôtre, ou le collègue un meilleur salaire. Or cette comparaison sociale est monnaie courante surFacebook, où l'on nous propose en permanence de voir combien « d'amis » nous avons, combien de personnes ont vu notre page, et combien l'ont appréciée. Simultanément, nous voyons combien d'amis ont les autres utilisateurs du réseau, à quel point leur page est appréciée...
L'unité de mesure de ce jeu de comparaison est le like, une icône représentant un pouce levé qui indique le nombre de personnes qui aiment votre page, et qui constitue une sorte de monnaie d'échange affective sur Facebook.
Les amateurs de Facebook aimeraient ainsi, consciemment ou non, se comparer
Mais est-ce l'usage de Facebook qui sensibilise leur noyau accumbens, ou bien ont-ils une tendance naturelle à la comparaison sociale, qui les pousserait vers ce média où ils savent qu'ils pourront se comparer ? L'étude de D. Meshi ne répond pas à la question. Mais le fait que la zone cérébrale incriminée soit le noyau accumbens est riche d'enseignements. Ce petit groupe de neurones s'intègre dans ce que l'on nomme le « circuit de récompense », un ensemble de neurones qui réagit aux plaisirs, que ceux-ci soient naturels (alimentaires, sexuels) ou artificiels (drogue, jeu).
Attention addiction
À ce titre, le noyau accumbens est souvent impliqué dans les mécanismes d'addiction : une fois activé par des stimulus plaisants (notamment les drogues), il demande des stimulations de plus en plus importantes. C'est pourquoi, même chez un utilisateur initialement en recherche d'une comparaison sociale modérée, il se pourrait que l'utilisation de Facebook ne fasse que conforter ce penchant.
Dans ce cas, l'activité du noyau accumbens se renforcerait à mesure que l'on se connecte. Plus une...